Marie-Claude Vaillant-Couturier, une femme engagée Présentation du livre sur la résistante déportée et dirigeante communiste

, par  Dominique Durand , popularité : 4%

Qui n’a pas lu son témoignage au procès de Nuremberg, en 1946 ? Face à ses bourreaux elle y a dit l’horreur de ce qu’on appellera la shoah. Mais que sait-on d’elle, dont Aragon jugeait en 1937 la beauté scandaleuse.

Elle avait alors vingt-cinq ans et venait d’épouser Paul Vaillant-Couturier, rédacteur en chef de l’Humanité du Front Populaire, de vingt ans son aîné.
Il meurt onze jours plus tard. Elle portera son nom tout au long de sa vie. Un symbole. Elle, Marie-Claude Vogel fille du fondateur du Jardin des Modes, de Vu et patron de Vogue France, alliée, par sa mère, aux Peugeot, nièce de Jean de Brunhoff, créateur de Babar, sœur de l’actrice Nadine Allégret et de l’acteur Nicolas Vogel, élevée par des précepteurs, fréquentant la bonne société et pourtant communiste à 20 ans.

En 1933, élève de Kertesz, elle est la première à photographier les camps de concentration d’Hitler. En 1936 elle est en Espagne aux cotés des Républicains. En 1939 elle est à Moscou. En 1940 elle est déjà dans la clandestinité à Paris, avec son futur mari, Pierre Villon, bientôt membre du Conseil national de la Résistance, et leur fils, Thomas. En 1942 elle est arrêtée, déportée à Auschwitz – où elle arrive et chante la Marseillaise, puis Ravensbrück. En 1945 elle est l’une des premières femmes élues au Parlement, elle cèdera sa place à Georges Marchais en 1973. Propagandiste de la Paix et de l’égalité des sexes elle anime pendant dix ans la Fédération démocratique internationale des Femmes, puis devient cette « femme mémoire » qui ouvrira le chemin à l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité. Elle meurt à Paris en 1996.

Sa silhouette racée, son élégance du corps et de l’âme a traversé le XXe siècle. Elle a eu la passion des idées, des gens et des choses. Fidèle à une cause qui lui paraissait juste, elle est de celles, dit Malraux, qui font la noblesse d’un peuple.

L’auteur

Dominique Durand est journaliste. La résistance et la déportation sont pour lui des domaines familiers, de même que l’histoire syndicale et politique du XXe siècle. Il anime différents collectifs de réflexion et publie régulièrement sur ces sujets.


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Extraits du chapitre 10

Rappel : Marie Claude Vaillant-Couturier libérée du camp de concentration de Ravensbrück fin avril 1945 a choisi de rester au camp pour s’occuper des déportés malades. Elle ne rentre à Paris que le 25 juin et, dès le lendemain est présente au premier congrès du Parti d’après guerre…

Le 26 juin Marie-Claude est à l’ouverture du Xème congrès national du Parti. « Encore vidée et nullement dans le bain, je nage en plein brouillard », dit-elle à Villard. C’est le premier congrès d’après guerre.

Les élections municipales qui se sont déroulées les 29 avril et 3 mai ont montré qu’en moyenne un Français sur quatre avait voté pour les candidats du Parti. A Paris la proportion a été de un sur trois. En banlieue encore plus. Le Parti est arrivé en tête dans 1462 communes. Pour la première fois des villes de plus de cent mille habitants, Nantes, Reims, Toulon, ont désigné des maires communistes.

A l’ouverture du congrès, 906 727 cartes d’adhérents ont été délivrées par la trésorerie centrale. En septembre, Maurice Thorez remettra, lors de la fête de l’Humanité, sa carte au millionième adhérent.

Si le Parti se porte bien, - malgré ses cadres décimés dans la résistance et par les prisons et la déportation - la France, elle, va mal. La guerre l’a rendue pauvre. Les rapports des Commissaires de la République et des Préfets décrivent des Français aux prises avec d’effroyables difficultés matérielles et un constant souci du ravitaillement. L’occupation a creusé des gouffres budgétaires, l’industrie a souffert des pillages de machines, l’agriculture du manque de chevaux et d’engrais. Et « en dehors du ravitaillement écrit la politologue Georgette Elgey, un seul sujet passionne (les Français) : l’épuration, la liquidation du régime de Vichy… ».

Sous le titre de « Renaissance, démocratie, Unité », le rapport de Thorez au congrès traite d’abord de ces questions. Thorez propose de reconstruire la France ruinée, de lui donner, dans le concert des nations la place qui lui revient, de liquider l’esprit de Vichy et ses méthodes, de dénazifier l’Allemagne. Mais il aborde aussi les problèmes d’organisation. Certaines habitudes de l’illégalité pèsent encore – qui n’a pas encore des armes chez lui ?-, les nouveaux adhérents n’ont aucune ou guère de formation marxiste-léniniste, l’encadrement du Parti doit être renforcé.

Pierre Villon est élu membre du Comité Central et Marie-Claude en devient suppléante. Elle y retrouve des camarades déportées à Ravensbrück : Juliette Dubois, Claudine Chomat et Mounette Dutilleul qui sont rentrées en avril ; d’autres, responsables des Jeunes filles de France avant guerre puis résistantes, comme Josette Cothias, et qui ont échappé à l’arrestation ; des « nouvelles » comme Odette Roux qui a rejoint le Parti pendant la guerre et qui va travailler avec elle à la Fédération démocratique internationale des Femmes. Et Jeannette Vermeersch.

Dans sa biographie conservée au siège du Parti, il est indiqué qu’elle sera réélue membre du comité central à chaque congrès et encore au 24e congrès, pour la dernière fois, en 1983. Ni son courage, ni son intelligence, ni sa culture, ni la célébrité de son premier mari, note cependant Renée Rousseau, et l’on pourrait ajouter ni sa propre célébrité, ne l’aideront à franchir un échelon supérieur dans la hiérarchie du Parti. Elle semble pourtant n’en avoir éprouvé aucune frustration. Une note dactylographiée, qui, avec le temps, prête à sourire, donne des appréciations sur sa participation, de novembre 1947 à février 1948, à « l’école de 4 mois » une formation interne réservée aux « cadres supérieurs » du Parti, et qui constitue, à l’époque, un moment de détour théorique pour acquérir et actualiser les principes du marxisme léninisme et un lieu de formatage identitaire : « Très intelligente. Grande finesse d’esprit. A beaucoup travaillé. Primesautière. A beaucoup de mal à travailler de façon ordonnée. A corrigé ses faiblesses dans une assez grande mesure. Semble décidé à continuer ce travail de perfectionnement. A des idées. Très sentimentale. Très sympathique quand on la connaît bien. Personnalité très forte. Extrêmement vivante ».

Le communisme, c’est sa vie. Elle mettra tout en œuvre pour le préserver, y compris dans ses moments de doute et malgré de terribles déconvenues. L’aideront, dans cet effort, une doctrine, un système, des contextes et son propre passé, qui ne permettaient pas de procéder à une remise en cause d’ensemble. Et il est malaisé, pour ces mêmes raisons, de découvrir les cicatrices laissées par des désaccords inavoués. Dans une courte autobiographie rédigée en 1993 elle écrira que ce qu’elle a vécu dans les camps « m’a conforté dans mes choix puisque j’étais déjà communiste avant guerre », et en 1968, dans le journal La Suisse elle avait dit « je ne peux supporter l’injustice sociale. Les raisons que j’avais d’être communiste à vingt ans, je les ai toujours ».

« Elle était communiste, elle le demeura jusqu’à son dernier souffle », dira le secrétaire national du Parti Communiste Français dans l’hommage qu’il lui rendra en janvier 1997. « Ce fut une fidélité sans œillère, lucide devant les succès comme devant le drame des promesses non tenues, de l’idéal perverti. C’est précisément dans cette lucidité qu’elle sut puiser les forces et les moyens de garder intacts dans toute leur authenticité les convictions, l’engagement qui donnèrent sens à sa vie de femme, de militante, de dirigeante, d’élue de la nation. Le mot communisme exprimait pour elle des exigences touchant au plus profond : à l’être humain, son bonheur et ses droits, continuait Robert Hue. Des combats appelant à en finir avec l’exploitation, l’exclusion, la violence, le mépris et l’abaissement de la personne humaine. Un abaissement qu’elle avait refusé, pour elle est ses compagnes, lorsqu’on avait voulu le leur imposer dans la nuit douloureuse et héroïque des camps ». Robert Hue parle encore de Marie-Claude haïssant l’injustice, l’oppression, la guerre. Il rappelle son amour et son dévouement indéfectibles à la nation française, à son indépendance, à sa souveraineté. Il évoque sa « haute idée de la tolérance ». « Elle savait, dit-il, que la fermeté dans les idées n’est pas la fermeture dans les comportements… ».

A l’une de ses grande amie déportée qui critiquait, en 1948, « le dogme communiste du sacrifice de l’individu à la communauté » Marie-Claude, blessée, répondait : « la raison pour laquelle nous sommes communistes, c’est parce qu’au dessus de tout nous mettons l’homme et que nous voulons qu’il puisse vivre dans des conditions qui lui permettront en tant qu’individu de développer pleinement sa personnalité »…

Dominique Durand, Marie-Claude Vaillant-Couturier, une femme engagée, Ed. Balland, 2012.

Voir en ligne : sur le site des éditions Balland

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