Manifeste pour un réveil révolutionnaire des exploités (mai 2014)

, par  Gilles Questiaux , popularité : 2%

Dans le monde, et en France, qui forme la classe des exploiteurs ?

Ils forment la classe bourgeoise, dont le régime de pouvoir économique, politique et social porte le nom usuel mais tout à fait trompeur de « démocratie ». Nous y trouvons les accapareurs de la richesse mondiale et de sa croissance fabuleuse, ceux qui confisquent à leur profit le progrès extraordinaire des sciences et des techniques. Le patronat organisé, international et national possède les grands trusts financiers, les banques, les médias qui exploitent et manipulent la crédulité publique, qui sont le noyau dur du pouvoir de cette classe, organisée au niveau mondial en nébuleuse, autour des grands groupes capitalistes anglo-saxons, et des réseaux humains, communs à l’économie, la politique et la culture, qui les animent. La bourgeoisie est donc composée des possesseurs de capital productif, de capital financier et des serviteurs intellectuels directs et bien payés de son pouvoir économique, de ceux qui créent et interprètent les récits de l’idéologie démocratique-libérale bourgeoise, de ceux qui sont les officiers et les cadres de l’armée idéologique du capital : hauts fonctionnaires, universitaires, cadres et animateurs des appareils d’État (Université, santé, armée), financiers et spéculateurs professionnels, organisateurs de la communication et du spectacle, stars du spectacle , du sport et des médias, artistes de renom… La bourgeoisie exerce le pouvoir politique à travers les médias et les partis de gouvernements, tout en organisant une compétition interne entre divers clans, cliques, mafias, pour la distribution des postes et des bénéfices du pouvoir. Ce sont ses idées qui circulent partout et qui dominent l’opinion et le goût du public. Les exploiteurs ont en général une forte conscience de leur appartenance de classe, mais nient à qui veut les entendre l’existence des classes et leur lutte ; pour eux, il n’y a que des individus, ce qui bien sûr si c’était vrai faciliterait le maintien et l’aggravation de l’exploitation des masses.

Qui sont les exploités ?

Les hommes et les femmes toutes catégories de métier confondues et parfois les enfants qui fournissent un temps de travail gratuit au service des exploiteurs. Ou, pour le présenter autrement, qui travaillent contre une rémunération (un salaire, mais pas toujours) mais cette rémunération ne couvre qu’une partie, assez petite, de la valeur qu’ils ont produite en travaillant. Un travailleur rémunéré 12 euros de l’heure aura produit, par exemple, cinquante ou cent euros de valeur de marchandises (biens matériels ou services) dont la plus value qu’il a produite gratuitement ira rémunérer les capitalistes, la classe bourgeoise en général, et reconstituer et élargir le capital. Les exploités forment le « prolétariat », qui regroupe l’ensemble des travailleurs qui ne possèdent pas le capital de leurs moyens de productions, leurs outils, machines, matières premières, locaux, brevets, indispensable à leur mise au travail, ou seulement une faible part de celui-ci. On y trouve les travailleurs salariés de l’industrie et des services, les ouvriers et employés qui forment en réalité la même classe avec environ 50% de la population active, mais aussi ceux qui contribuent à la création de valeur indirectement, les travailleurs indépendants sans salariés, les chômeurs, les intermittents, les saisonniers, les intérimaires, les mères au foyer, une partie importante des étudiants (futurs exploités), et un grand nombre de salariés aux statuts autrefois favorables, les « cadres », dont les récents suicides ont bien montré l’aggravation de la condition. L’autre partie bien moins nombreuse des étudiants formera les élites (et) futurs exploiteurs. Les exploités composent donc l’autre classe principale, qui lutte contre la bourgeoisie parfois ouvertement, parfois sourdement, et qui polarise la société contemporaine, la société capitaliste, qui est restée inchangée de ce point de vue depuis plus d’un siècle. Mais le terme qui le désignait, « prolétariat » est rarement employé de nos jours. Emprunté à l’histoire romaine où il désignait les citoyens qui ne possédaient rien, il servit à l’époque contemporaine à désigner d’un nom collectif la classe exploitée. En effet, la réalité de l’exploitation et des classes sociales mêmes est déniée par l’idéologie économique capitaliste, et parfois méconnue par les exploités eux-mêmes, au moins en parole. Pourtant, s’il n’y avait pas d’exploitation il n’y aurait rien à gagner à employer des salariés, pour qu’ils produisent exactement la valeur de leur salaire !

Les autres classes de la société

Et la troisième classe importante est la petite bourgeoisie, très nombreuse dans les pays riches, composée souvent des mêmes professions que la bourgeoisie de plein droit, mais à plusieurs crans en dessous, parfois réduite malgré ses diplômes et sa culture à un revenu misérable. Certains secteurs (infirmiers, enseignants, techniciens spécialisés) sont en voie de prolétarisation. De même les « professions intermédiaires » qui sont en fait des employés ou des techniciens au service de la collectivité, qui sont nécessaires pour la revalorisation de la force de travail, mais qui ne sont pas non plus payés pour la totalité de ce qu’ils produisent (même si la productivité de leur travail est plus difficile à mesurer que celle, par exemple, des ouvriers de l’industrie ou des cadres commerciaux). Les indépendants pauvres (paysans, artisans, commerçants) oscillent entre prolétariat et petite bourgeoisie selon le succès de leurs affaires. Ce sont des classes en déclin, mais qui restent nombreuses dans les pays pauvres, et que le capital essaye de ressusciter artificiellement sous le nom de « auto-entrepreneurs », quand il vaudrait mieux dire « auto-exploités ».

Le « lumpenprolétariat » des trafiquants, des délinquants et des mendiants autrefois isolés dans les bas fonds de la société a été rejoint dans la marginalité par une foule d’exploités vivant au jour la journée, rejetés par la généralisation du chômage, du sous emploi, de la précarité, de l’usage de la drogue, et de l’économie informelle. Mais il reste aussi une couche de profiteurs de l’économie criminelle qui est de l’autre coté de la barricade, et elle est nombreuse dans les métropoles du Sud. Il faut donc compter avec les exploités qui le sont directement, l’armée de réserve des chômeurs et des pauvres qui est bien utile au capital pour faire pression à la baisse sur les salaires de ceux qui ont encore un emploi, et des travailleurs pauvres quasi non consommateurs qui travaillent à leur survie physique, comme les centaines de millions de petits agriculteurs du Sud qui ne possèdent eux non plus presque rien.

La proportion des classes de la société varie assez peu selon les pays lorsqu’ils ont achevé leur processus d’industrialisation. Il ne faut pas confondre en effet les classes avec les catégories professionnelles. Les ouvriers d’industrie nombreux en Allemagne, seront remplacés par des employés du tourisme en France, mais leur position dans la pyramide sociale sera similaire dans les deux pays. Les deux pays ont une structure économique différente et une structure sociale similaire, celle de tous les pays grands ou moyens qui ont achevé leur industrialisation depuis longtemps.

Quelles sont l’origine et les moyens de l’exploitation ?

L’exploitation, c’est du temps de travail non payé, et de la richesse remise gratuitement aux patrons. Le taux d’exploitation (temps de travail gratuit/temps de travail total) est indépendant du niveau absolu du salaire. Mais les très hauts salaires vont souvent de pair avec des capacités d’épargne et des ressources non salariales qui vont permettre à leurs bénéficiaires d’échapper à l’exploitation.

Le surtravail qui n’est pas rémunéré crée le profit des entreprises de production, puis des banques, des patrons, des médias sur le dos des exploités dans tous les secteurs d’activité mais il est aussi responsable des conditions que subissent les hommes et les femmes de toutes les professions, et aussi de la condition des chômeurs (souffrance au travail, salaire de misère, heures supplémentaires non payées, insécurité et précarité des postes de travail etc.). Une partie des travailleurs, à la suite d’une longue histoire de lutte sociale et syndicale, a obtenu une atténuation de l’exploitation, sous la forme de droits sociaux, et en particulier de sécurité de l’emploi. Souvent cet avantage se paye d’un salaire plus bas. Mais la différence entre travailleurs protégés ou non par un statut provoque un clivage parmi les travailleurs dont les patrons savent jouer pour fomenter des divisions.

Le travail d’aujourd’hui a pris des formes variées et déguisées pour donner l’impression qu’il ne définit plus une classe, mais qu’il insère chacun, séparément et individuellement à un ordre mondialisé. Cet ordre confère au travail une forme d’indépendance non connectée de son exploitation, des profits qu’il engendre. Le travailleur n’est plus acteur de ce qu’il produit mais il est objet déshumanisé, déconscientisé, d’une chaine de production qui le rend consommateur passif de ce qu’il produit, et analogue à une simple machine de production à amortir le plus rapidement possible par le patron. L’information et le divertissement qu’il reçoit et qui dépeignent le meilleur des monde possible où il est censé vivre sont des vecteurs qui le rendent passif et en perte de repère sur sa fonction sociale, en perte de dignité car ses acquis sociaux disparaissent et ses luttes n’ont plus la même exemplarité. Elles sont devenues défensives : il s’agit de sauver l’emploi, plutôt qu’augmenter les salaires.

La division de l’espace politique en « gauche « et « droite » ne reflète plus comme autrefois (en 1936 par exemple) et à cause de l’inertie de la culture politique depuis très longtemps (c’était déjà le cas en 1968) la division et l’antagonisme social entre exploiteurs et exploités. De plus le champ politique tend à se couper suivant des lignes de fracture ethnico-religieuses, perpendiculaires aux divisions de la société en classes. Sociologie, journalisme, philosophie encouragent la substitution du désordre communautariste à la lutte des classes. Le fait qu’une grande partie des exploités qui vivent dans les pays riches ait immigré contribue à donner corps à cette mystification sociologique. Déjà aux XIXème et XXème siècles la bourgeoisie avait travaillé à substituer « la lutte des races » à la lutte des classes, et avait obtenu de nombreux succès dans cette grande mystification, notamment en développant l’antisémitisme, qui substituait la figure du juif à celle de l’exploiteur.

Lutter contre l’exploitation

Quel est le but des travailleurs, lorsqu’ils se lèvent et luttent contre l’exploitation, par la propagande, la grève, la manifestation, le soulèvement armé, le vote, ou tout autre moyen ? Améliorer leur vie quotidienne, dans un premier temps, puis supprimer l’exploitation dans un horizon plus lointain mais qui peut soudain se matérialiser comme à portée de main. L’expérience montre aussi qu’ils ne peuvent pas durablement améliorer leur vie dans la société capitaliste, s’ils abandonnent le projet de supprimer purement et simplement le capitalisme. Vouloir supprimer l’exploitation ne signifie d’ailleurs pas vouloir supprimer le travail gratuit générateur de plus-value, il signifie que la plus-value, au lieu d’enrichir le capitaliste, enrichira la collectivité.

Cette libération économique est politique. Le but est de réaliser une véritable démocratie. La démocratie est de par son étymologie le pouvoir du peuple tout entier, fondé sur des institutions qui tiennent compte de ses intérêts et sans l’exploitation des travailleurs par les détenteurs des moyens de production et financiers (les capitalistes), qui la rendent impossible en la vidant de tout contenu. Le suffrage universel sous contrôle capitaliste a cessé depuis longtemps d’exprimer, même de loin, la volonté du peuple, et est devenu un pur rituel de légitimation du pouvoir bourgeois. Le « pouvoir du peuple » est incompatible avec celui des multinationales qui annule l’effet de la liberté d’information, d’association et du suffrage universel. La véritable démocratie est aussi l’outil pour mener une politique de justice sociale. Le peuple se représentera lui-même et choisira des dirigeants permanents qu’il contrôlera avec un mode d’élection adéquat qui lui donnera une direction stratégique sur l’économie ainsi que le contrôle de la richesse sociale, de l’usage de la plus value, le produit du travail gratuit.

Il s’agit de relancer l’offensive des exploités contre le capital, qui accapare richesse et pouvoir, en tenant compte du contexte actuel mais aussi du contexte historique des idéologies et des luttes qui ont précédé ce siècle qui a commencé sous de biens mauvais auspices au niveau international. La lutte pour la véritable démocratie populaire a subi de graves défaites au XXème siècle : défaite réelle (exemple : chute de l’URSS) et défaite symbolique, plus grave encore (exemple lié au premier : le discrédit dans laquelle est tombée cette dernière).

Cependant dans certains pays d’Amérique Latine (pour ne citer que ce continent qui diffère des autres par la conjoncture historique), des réformes authentiquement démocratiques ont eu lieu récemment. Et l’exploitation capitaliste n’existe pas à Cuba où le peuple a fait sa révolution en la payant chèrement. Si Cuba et les Cubains sont pauvres en termes monétaires, Il n’en demeure pas moins que malgré les contraintes qu’ils subissent ils ne sont pas insérés dans une société reposant sur l’exploitation.

La révolution ouvrière du XIXème siècle et de la première moitié du XXème était une négation de la politique qui prévoyait après la révolution le dépérissement anarchiste de l’État et qui voyait la démocratie comme une limite à la liberté individuelle dont l’épanouissement total était à l’horizon de la libération du travail. Pour les communards, le paradis de la libération du travail était à portée de main. Pour tenir compte de l’expérience accumulée, la révolution des exploités se fixe aujourd’hui un projet réellement politique que l’on peut définir comme la prise de contrôle de l’économie par le politique, par l’État démocratique. Cela peut paraitre beaucoup moins ambitieux, beaucoup moins poétique, épique et millénariste. Mais c’est un acquis découlant de l’expérience du socialisme, qui a conduit à penser l’avenir dans une perspective réaliste.

Lutter contre l’impérialisme

Le développement capitaliste s’est heurté très tôt à une contradiction : tout à la recherche du profit maximum, chaque capitaliste devait comprimer ses salaires, tout en étendant son marché pour vendre sa production, or les salaires forment une grande part du pouvoir d’achat disponible sur ce marché. D’où le développement de politiques impérialistes, pour dérober le marché aux autres capitalistes, et l’antagonisme entre plusieurs blocs nationaux qui a abouti à la Grande Guerre de 1914. Par certains cotés nous en sommes revenus depuis les années 1980 à une situation globale assez proche de celle qui régnait il y a un siècle, où les contradictions internes du capital peuvent déboucher sur la guerre, la crise globale, mais aussi sur la révolution sociale.

La Chine reste officiellement un pays socialiste, mais elle a réintroduit le capitalisme pour accélérer son développement, et résister au capitalisme étranger et tout fait penser qu’elle a bien fait ; tout en modernisant et enrichissant le pays, elle s’est en effet bien gardée de passer sous le contrôle du capital qu’elle a invité chez elle. La Chine est un pays où le capitalisme et le socialisme se mélangent, et par une singulière ruse de l’histoire, l’exploitation la plus aigue du travail par le capital occidental délocalisé est mise au service du renversement du capital, ou au moins du capital occidental. En Europe pendant la guerre froide, on avait aussi mélangé le capitalisme et le socialisme, elle avait introduit du socialisme pour résister au socialisme extérieur. L’Union européenne actuelle, depuis les années 1980, se donne pour mission non plus de redistribuer la richesse pour sauver le capitalisme, mais de supprimer ces éléments « socialistes » qu’il a fallu admettre à contrecœur dans la société occidentale, et aussi de privatiser les espaces publics, pour offrir une nouvelle frontière à la soif de profit. Il faut lutter contre « l’Europe » : car c’est ici, sur notre continent, nullement une nation nouvelle, mais le nom propre du capital. Et si la bourgeoisie internationale se mélange, s’homogénéise, et prêche le nomadisme généralisé, les exploités restent attachés, par des contraintes matérielles mais aussi des liens affectifs, à leur pays, le seul cadre d’existence politique qu’ils n’ont jamais eu.

S’organiser maintenant

Les exploités pour s’organiser adoptent la forme de parti qui convient le mieux à l’organisation sociale et au territoire dans lesquels ils vivent. Leur organisation est internationale, comme le capital, et nationale, car le langage par lequel les exploités communiquent est issu de leur culture nationale. Mais le nombre de vraies nations dans le monde, c’est-à-dire de nation ayant une réelle existence historique est sans doute beaucoup plus petit que le nombre actuel de pays formellement indépendant ; l’Afrique, par exemple, est une nation en formation, comme l’Amérique latine et le monde arabe. Le parti des exploités est forcément discipliné, et démocratique, car il est l’embryon du futur État démocratique total (c’est-à-dire sans classes exploiteuses), et une masse anarchique et confuse, ou une armée d’automates ne sauraient, ni l’une ni l’autre, y parvenir et le devenir. Le parti qui gouvernait l‘Union soviétique a su presque l’être pendant environ 40 ans, mais les conditions extrêmement dures qu’il a du affronter ont forcément limité énormément les droits individuels de ses membres, et par extension dans l’ensemble de la société. Toute modération de la discipline sociale était impossible dans les conditions réelles de cette expérience historique pionnière et sans précédent. A l’avenir la structure du parti sera certainement moins disciplinée ; mais elle sera peut être aussi moins démocratique et moins efficace. Car la démocratie n’est pas la liberté des individus de faire tout ce qu’ils veulent s’ils ont assez d’argent pour cela, c’est la liberté de la collectivité humaine de maitriser son histoire et son développement futur dans une situation historique déterminée. Le consommateur individualiste de masse de la démocratie marchande capitaliste, qui est le contraire de la démocratie réelle, n’a aucune liberté, à part celle de se faire des illusions.

Aujourd’hui les exploités ont des handicaps nouveaux dans leur tâche historique de libération du travail. Ainsi, ils ont tous subi un véritable lavage de cerveau au collège et au lycée pour leur faire accepter le caractère naturel et inéluctable du capitalisme, et pour leur dissimuler l’organisation de la société en classes ; et pour la moitié d’entre eux, cette mise en condition s’est poursuivie quelques temps à l’Université, où tout est fait pour les convaincre de l’identité du libéralisme oligarchique et de son contraire, la démocratie. Ils ont tous du absorber le discours de diabolisation de l’histoire du socialisme, et ils ont subi la sidération devant les grandes menaces qui restent suspendues par le capitalisme sur l’avenir de l’humanité depuis les guerres mondiales, matérialisées par Hiroshima et par Auschwitz. Mais ils disposent aussi pour s’organiser de capacités techniques sans commune mesure à celles dont disposaient leurs prédécesseurs il y a un siècle. Une des contradictions du capitalisme est d’avoir mis entre les mains des masses des outils de communication et de gestion qui facilitent potentiellement beaucoup son organisation, et qu’elles utilisent pour le subvertir lorsqu’elles se réveillent à la lutte politique, inséparable de la lutte sociale si on veut lui donner une perspective de victoire.

Définition de la classe révolutionnaire et sa position par rapport à la gauche petite bourgeoise

Notez que celle-ci peut être assez étroitement définie comme celle qui représente les intérêts des professions intermédiaires au service de l’État, des collectivités, ou des associations fonctionnant avec les subventions publiques. La gauche petite bourgeoise critique le capitalisme mais elle veut l’humaniser et l’aménager, et non seulement elle n’envisage plus de révolution, mais même plus d’atteinte à la propriété.

Elle a tendance à penser que tout le mal provient de la finance et de ses excès spéculatifs. Alors que ce qui caractérise l’exploitation, c’est que lorsqu’elle s’aggrave, c’est justement le moment où le capitalisme fonctionne le mieux ! Ce qui cloche dans la gauche de gauche, ce sont ces « bricolages » utopiques, afin d’obtenir une meilleure répartition des revenus du capital et du travail au sein du capitalisme, en espérant s’unir avec une fraction de la bourgeoisie contre la finance, sans avoir en perspective un rapport de force qui ne peut devenir favorable que de la perspective de sortir du capitalisme. Il ne faut donc pas perdre son temps à proposer une politique keynésienne de redistribution des richesses au sein du capitalisme, comme pendant l’époque dite « des Trente Glorieuses », puisque la crainte du bloc socialiste qui expliquait la générosité du capital a disparu, mais résolument proposer une politique socialiste pour ici et maintenant, c’est-à-dire une politique où la puissance publique a pris le contrôle des moyens de production.

Le mécanisme de l’exploitation a été décrit avec une précision scientifique poussée par la théorie révolutionnaire dès la fin du XIXème siècle. Elle est ignorée dans les universités capitalistes, ou bien elle y est présentée de manière éclectique et inutilement complexe, de manière à devenir inapplicable pour les masses. Cette élucidation des lois de l’économie justifie la révolution à faire : la prise du pouvoir du travail et la confiscation des moyens de production de capitalistes ; puis elle esquisse une théorie de la crise et du développement capitaliste, qui annonce que le socialisme doit sortir des contradictions du capitalisme. Rien n’est véritablement venu la dépasser, depuis un siècle et demi, malgré les flots d’encre déversés par les économistes apologistes de la bourgeoisie, depuis ce temps là.

Mais ce ne sont pas simplement les contradictions économiques qui doivent amener à une crise décisive, ce sont aussi les conditions de la conscience : le capitalisme produit en réaction à l’exploitation une conscience critique chez les exploités ; or il produit aussi chez eux, et dans la classe moyenne, une conscience servile. La lutte entre ces deux consciences, qui se déploie dans le champ de la culture, est primordiale, et l’une des premières tâches du parti des exploités est de former un groupe solide de cadres et d’intellectuels révolutionnaires dévoué à leur cause pour développer partout la conscience critique et révolutionnaire.

Situation globale et nationale du capitalisme et de la classe exploitée

L’objectif stratégique est de recréer les conditions subjectives de la révolution des exploités, à savoir l’espoir du progrès social, de la révolution, du renversement du capitalisme, et donc l’existence d’un parti (au sens historique et politique de ce mot), et de la perspective socialiste (avec le problème de communication que pose le discrédit dans le quel est tombé le terme « socialiste » à cause des sociaux démocrates, ni sociaux ni démocrates, qui ont récupéré le terme). Si ces conditions s’améliorent, le rassemblement des exploités commence. Il n’y aura dans un pays donné qu’un seul parti des exploités, car il a vocation à devenir l’État d’un type nouveau qui supprime avec détermination les résistances de la bourgeoisie contre la libération du travail. Mais cette unité est un résultat de la lutte et de la polémique, et ne peut pas être décrété en copiant les formes qu’elle a prises dans le passé.

Le capitalisme maintenant semble extrêmement puissant, mais il est travaillé par ses contradictions internes. On peut le voir à plusieurs signes. D’abord, la motivation centrale et la source de l’énergie des individus qui animent l’activité capitaliste, la recherche du profit, est en crise ; il est devenu nécessaire de motiver de former et d’exciter par la propagande, voire par des subventions ( !) les créateurs d’entreprise, tellement la motivation leur fait défaut. Il est aussi devenu nécessaire de maintenir en vie artificiellement la concurrence, et d’empêcher par la loi l’évolution vers la formation des monopoles qui anticipent dangereusement sur une organisation socialiste de l’économie (le socialisme n’est rien d’autre que la gestion de l’économie par des monopoles nationalisés). Les États libéraux se donnent beaucoup de mal pour maintenir une anarchie, un oligopole là où le jeu même de la concurrence finit par l’abolir. Et les grands mastodontes mondiaux de l’économie nouvelle prospèrent par la privatisation du savoir, alors même que les progrès des technologies de l’information ont mis à mal la propriété intellectuelle. Les technologies du XXème siècle ont progressé à pas de géant par la mise en commun mondiale des connaissances, et par la contribution gratuite du public au perfectionnement des produits, mais les trusts de la « nouvelle économie » y mettent le holà. Il s’agit là de diverses manifestations de la tendance séculaire à la baisse du taux de profit, un effet de l’accumulation du capital qui se voit particulièrement par le progrès technique, et par l’augmentation du chômage qui lui est lié ; et ce sont aussi les effets de la contradiction entre la propriété privée des moyens de production et le caractère socialisé de la production, qui est tellement socialisé qu’il en est devenu mondialisé. Et pour clôre ce chapitre, la soif du profit sans limite est ce qui met en péril directement l’écosystème, et la survie de l’humanité à court terme.

Ce qui manque aujourd’hui, c’est une conscience suffisante, et suffisamment répandue dans les masses, de ces notions simples d’économie et de politique. Mais rien ne devrait en empêcher la diffusion, qui pourrait, avec un effort somme toute raisonnable de théorisation, de simplification, de communication, devenir foudroyante, comme l’étincelle qui met le feu à la plaine, comme cela s’est déjà produit dans l’histoire, en France, en Russie, en Chine, au Viet Nam…

15 mai 2014

Texte rédigé par Gilles Questiaux, élaboré en commun avec Pasquale Noizet, sur une idée de Jean Lévy.

Voir en ligne : Discussion sur le site Réveil communiste

Les termes "bourgeois" et "petit-bourgeois" doivent être entendus sans accent péjoratif, ils reflètent la réalité des classes sociales du monde objectif. De même l’existence du surtravail non payé ne signifie pas que de la valeur est volée au travailleur : son enlèvement par les propriétaires du capital est parfaitement légal dans notre société, et c’est bien pour ça d’ailleurs qu’il faut en changer.

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