Les communistes et le mouvement syndical

, par  Gilbert Rodriguez , popularité : 1%

Aux Assises du communisme des 29 et 30 juin à Gémenos un camarade me faisait remarquer à propos de plusieurs de mes interventions sur les questions syndicales et le rôle des communistes dans les organisations, que nous étions aux "Assises du communisme".

Sous-entendu ces interventions étaient quelque peu hors sujet.

Pourtant, je pense que dans cette phase d’amorce de rassemblement d’une force communiste sur des objectifs et des principes communs : sortie de l’Union européenne et de l’euro, sortie de l’OTAN et de l’Alliance atlantique, sortie du capitalisme, lutte pour la paix et contre les guerres et interventions impérialistes, la question du rôle des communistes dans les organisations syndicales et dans la CGT en particulier, du rôle des communistes dans l’expression du mouvement social est incontournable !

Pour une raison simple, car ce qui éclaire le positionnement des communistes et leur intervention dans le champ politique, c’est un positionnement de classe, c’est le contenu de classe au travers duquel les évènements, les enjeux peuvent se lire et peuvent s’organiser leur action et leur initiative.

Et faudrait-il s’en départir dès lors qu’il s’agit du champ social et du monde syndical ?

Et le positionnement de l’organisation syndicale qui, comme le remarquait Benoît Frachon, est par excellence l’organisation de masse des travailleurs, la plus familière et la plus proche, la plus perçue comme utile, ne pèserait nullement dans le rapport de force entre les classes, entre le travail et le capital ?

Ce serait ne rien comprendre à l’enjeu dont tout cela est l’objet et à l’intervention permanente sous différentes formes (jusqu’à la corruption) et de l’état et du patronat visant à la paix sociale, à la mise en place d’un dialogue social reposant sur la collaboration de classes et passant dans un pays comme la France marqué par les traditions de lutte de classes par un remodelage du paysage syndical en lien avec l’insertion dans l’Union européenne avec le rôle spécifique de la Confédération Européenne des Syndicats (CES).

Historiquement, dès la naissance du nouveau parti communiste issu du congrès de Tours et ensuite dans des situations historiques pourtant très différentes (paix, guerre, scissions syndicales et processus de réunification…) la question syndicale est totalement intégrée à la stratégie communiste et ce sont des dirigeants politiques de premier plan qui s’y consacrent tels J. Racamond, P. Sémard, B. Frachon, G. Séguy, H. Krasucki…

D’ailleurs la bourgeoisie et la social-démocratie ne cesseront de s’en prendre à ce lien en visant à interdire aux responsables syndicaux communistes d’exercer en même temps des responsabilités dans leur organisation politique. Même si cet angle d’attaque recouvre d’autres objectifs et d’autres préoccupations (division, isolement…).

Quelle est la situation présente ?

Au-delà du débat théorique séculaire dans le mouvement communiste sur les rapports entre lutte pour la transformation révolutionnaire et lutte dans les syndicats (lien organique, spécificité et originalité du mouvement syndical français, conditions posées par l’Internationale communiste…) qui ne me paraît pas correspondre aux besoins de la situation présente, une chose demeure : c’est l’importance majeure du positionnement de classe des travailleurs et par conséquent des orientations de classe de la ou des organisations auxquelles les travailleurs adhèrent ou auxquelles ils font confiance.

Or, pour l’essentiel les organisations, leur direction sont sur une ligne d’accompagnement de la crise et situent leur action non pas dans une subversion du système mais dans le sens de corrections et d’accommodements à la marge.

"On ne nous écoute pas assez", "Le pouvoir est trop à l’écoute du MEDEF", etc.

Par ailleurs, les principales confédérations appartiennent TOUTES (CFDT, CGT, FO, FSU en faisant la demande) à la CES et font donc de l’objectif de "L’Europe sociale" un horizon.

C’est Thierry Lepaon qui dans La Tribune de ce 1er juillet à la question du journaliste :

François Hollande et Angela Merkel ont précisé vouloir ouvrir le dossier de l’Europe sociale, avec notamment le principe d’un SMIC européen, n’est-ce pas aller dans la bonne direction ?

déclare :

"Incontestablement. nous avons une Europe économique et monétaire, mais pas d’Europe sociale. Ce n’est plus possible, c’est cela qui éloigne les gens de l’idée européenne".

On est bien là dans l’orientation qui consiste à dénoncer les "excès" de l’Europe libérale, du dumping social mais dans la perspective d’en corriger les excès et dans la défense de l’idée européenne menacée par ces "dérives" ; sans que jamais soit fait le lien avec le sens profond et originel de la construction européenne comme nous le faisons en engageant la bataille pour la sortie de l’euro.

Mais quid du positionnement, de l’expression publique, du combat des militants communistes dans les syndicats ; militants convaincus de la nécessité d’une sortie de l’UE pour pouvoir s’engager dans une politique nationalement souveraine en faveur des travailleurs et du peuple ?

Quel sens et quelles perspectives pour les revendications portées par le mouvement social et les luttes pour le pouvoir d’achat, contre les fermetures d’entreprise et les délocalisations, contre les contre-réformes engagées et poursuivies par le pouvoir socialiste (politique budgétaire, suppression d’emplois publics, remise en cause de la retraite par répartition, privatisations larvées…) ?

Comment participer à la construction d’une force communiste forgée sur des bases de classe sans mener le combat dans le champs syndical et dans les organisations (la CGT en particulier compte-tenu de son histoire et de sa composition sociale) pour que l’emporte l’orientation de classe contre les orientations de collaboration ?

Les dirigeants réformistes de la CGT sont confrontés à une contradiction majeure :

- l’orientation qu’ils ont fait avaliser dans le milieu des années 90 et l’adhésion à la CES les conduit à l’acceptation du "dialogue social", à privilégier les compromis avec le patronat et le pouvoir en dehors de tout rapport de forces sur le terrain, à faire prévaloir une unité de sommet avec la CFDT sans ancrage avec les travailleurs dans les entreprises (le "syndicalisme rassemblé") et en évitant toute confrontation frontale avec le pouvoir à l’occasion de la mise en œuvre des contre-réformes qui pourtant fédèrent le monde du travail et le peuple et mettent des millions de gens dans la rue !

- et la nécessité de tenir compte d’une forte persistance à la base, d’une tradition de lutte aiguisée par l’aggravation de la crise et la remise en cause radicale des conquêtes issues de la Libération et du rapport de forces de l’époque. Le réformisme des dirigeants de la CGT est un réformisme honteux et nié. Un double jeu en quelque sorte. Dans la recomposition syndicale souhaitée par la bourgeoisie, la CGT est appelée à jouer le rôle d’un "réformisme dur", pendant d’un "réformisme mou" comme l’a avoué à sa manière un Alain Minc (processus déjà engagé avec Sarkosy).

D’autant aussi que les orientations ouvertement assumées par les dirigeants de la CFDT (signature de l’ANI, réforme des retraites) viennent également bousculer la stratégie d’alliance proclamée comme garant de l’unité et de l’efficacité de l’action syndicale.

C’est la raison pour laquelle le rôle des communistes est de rendre visibles ces enjeux, de débusquer les doubles langages et les positions masquées.

Pour que la résistance s’organise et se déploie contre le développement de la "révolution conservatrice" qui se prolonge, les travailleurs ont besoin de clarté et de lucidité à propos des pièges qui leurs sont tendus et auxquels participent des dirigeants qui ont tourné le dos aux principes qui ont guidé la Grande dame !

La question qui est donc posée aux militants communistes dans les syndicats et dans la CGT en particulier : c’est celle de leur indépendance de réflexion, d’expression et d’action par rapport aux orientations de collaboration de classes des directions (confédérales, fédérales, locales…).

Je sais (par expérience aussi) que les choses ne sont pas simples et qu’en maints endroits tout débat d’orientation est verrouillé et que les interventions répressives ne manquent pas, comme on a pu le voir en particulier dans la fédération du commerce. Des dérives de corruption existent également, participant à la difficulté. Les dirigeants réformistes n’hésitent pas par ailleurs à écarter tout débat d’orientation en se prévalant des votes de congrès et en désignant ceux qui sont porteurs de ces débats comme des diviseurs, péril pour l’outil auxquels les travailleurs sont légitimement attachés.

Il demeure qu’en dépit de ces difficultés, effectuer un travail d’explication et d’intervention pour que prévalent les orientations de classe est une nécessité majeure !

L’appel des assises devrait donc à mon sens refléter ces préoccupations et ne pas se situer dans la foulée de l’orientation confédérale de la CGT pour la rentrée, se cantonnant à proposer 4 meetings et une journée nationale interprofessionnelle, sans la perspective et la préparation d’une confrontation avec le pouvoir, ni préparée, ni même évoquée.

L’appel du carrefour des luttes du vendredi 28 juin auquel la direction confédérale de la CGT a participé se situant précisément dans cette ligne.

On pourrait par ailleurs – pourquoi pas – prévoir au stand des assises du communisme un débat portant sur cette question du rôle des communistes dans le mouvement syndical.

En conclusion je plaide pour que cette question constitue un volet incontournable du travail de reconstruction d’une force communiste et donc de classe.

Gilbert Rodriguez


Je souhaite que ces réflexions soient portées à la connaissance des participants aux Assises comme questions n’ayant pu être débattues et approfondies au cours de leur déroulement.

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