Le patron d’Areva au Niger : les dessous d’une visite

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C’est dans un tel contexte, que le président du directoire d’Areva, Luc Oursel, s’est rendu vendredi au Niger. Pays hautement stratégique tant en terme d’uranium… qu’en terme de présence des forces militaires US en Afrique. L’un et l’autre pouvant être fortement liés, ne soyons pas naïfs...

Si la menace d’un attentat contre le site d’Areva au Niger se faisait chaque jour un peu plus forte, les terroristes auront semble-t-il eu le dernier mot. La sécurité mise en place se révélant au final incapable à contrer leurs opérations.

Un double attentat à la voiture piégée a ainsi visé jeudi la mine d’uranium Somaïr du géant du nucléaire français à Arlit ainsi qu’un camp militaire nigérien, à Agadez, tuant une vingtaine de personnes.

C’est dans un tel contexte, que le président du directoire d’Areva, Luc Oursel, s’est rendu vendredi au Niger. Pays hautement stratégique tant en terme d’uranium… qu’en terme de présence des forces militaires US en Afrique. L’un et l’autre pouvant être fortement liés, ne soyons pas naïfs…

Plus de 300 personnels de l’Africom (commandement américain pour l’Afrique) devraient ainsi s’installer prochainement dans la région du Sahel, voire plus précisément au Niger. Des autorités nigériennes ayant récemment confirmé que leur pays venait de donner son accord pour l’implantation d’une base aérienne américaine sur son territoire.

L’attaque à la voiture piégée contre le site d’Areva a quant à elle été revendiquée par les islamistes du Mujao. Un mort et 14 blessés, tous nigériens, sont à déplorer parmi les employés du groupe français. Deux kamikazes ont été tués et 49 membres des forces de sécurité blessés, selon le bilan nigérien.

Exprimant sa solidarité envers les blessés et rendant hommage au « collègue qui a perdu la vie à Somaïr », Luc Oursel a par ailleurs tenu à saluer le courage et le professionnalisme de tous ses collaborateurs qui « font vivre la coopération entre la France et le Niger ». Souhaitant par ailleurs par sa présence « témoigner de la force » de l’« engagement au Niger » d’Areva. Un porte-parole du groupe assurant par ailleurs aux agences de presse présentes sur place, la pérennité de la présence du géant du nucléaire français au Niger.

Le patron d’Areva a par ailleurs rencontré des collaborateurs du groupe et les représentants de l’Etat nigérien.

Précisons également qu’à la suite de l’attaque, la production du site a été mise à l’arrêt. Élément non négligeable, alors que les mines nigériennes permettent à l’heure actuelle à Areva d’être le deuxième producteur mondial d’uranium.

Rappelons à toutes fins utiles, qu’en mars dernier, le géant français avait annoncé avoir versé 35 millions d’euros au Niger. Objectif affiché : aider le gouvernement à sécuriser ses sites d‘uranium. Le groupe nucléaire démentant totalement que le versement de cette « offre » ait pour but de compenser le report de l’exploitation de la mine géante d’Imouraren, l’ouverture de cette dernière ayant du être repoussée en 2015.

En tout état de cause, cette annonce de la générosité du groupe d’Areva aura été quelque peu discrète, faite sur la télévision publique nigérienne, alors que la présence du groupe français au Niger est à l’origine de plusieurs polémiques tant environnementales que politiques et économiques, certains analystes considérant même que l’action militaire française au Mali est fortement liée aux intérêts français au Sahel.

« Nous avons effectivement consenti à soutenir cet effort à concurrence de 35 millions d’euros. Ce n’est ni en relation avec un retard de la mine d’Imouraren, ni une obligation contractuelle », avait alors tenu à déclarer Olivier Wantz, directeur général adjoint d’Areva chargé de l’activité minière. Ajoutant qu’il s’agissait « simplement » d’ « un geste pour soutenir l’effort qui est fait au niveau de l’Etat du Niger pour protéger les activités, les biens et les personnes qui sont liés à nos activités ».

Précisons qu’à la suite de la prise d’otages survenue sur le complexe gazier d’In Amenas à la mi-janvier en Algérie, la France a envoyé des éléments des forces spéciales au Niger en vue de protéger les sites uranifères d’Areva dans le pays.

Attentat au Niger - En janvier dernier, alors que les extrémistes du Nord du Mali voisin avaient laissé entendre que leur riposte contre l’action militaire de la France pourrait se traduire par des attaques voire des enlèvements de ressortissants français à travers le monde, Hassoumi Massaoudou, le directeur de cabinet du président nigérien avait affirmé qu’Areva venait de s’engager à verser 35 millions d’euros au Niger, à titre de « compensation » pour l’année de retard prise dans le chantier de la mine d’uranium d’Imouraren.

Nous avions alors rappelé ici-même que la menace est d’autant plus prégnante et préoccupante pour le groupe français, qu’Areva et le Niger se sont déjà heurtés sur des dossiers financiers, sociaux, écologiques, et environnementaux. Et ce, alors même que l’uranium du pays – où, tout comme le Mali, sont implantés de nombreux touaregs – constitue un élément stratégique de la politique d’approvisionnement du géant nucléaire français.

« Prenant en compte le manque à gagner généré par le report de l’exploitation d’Imouraren, Areva s’engage à soutenir financièrement l’Etat du Niger en mettant à sa disposition 35 millions d’euros, soit 23 milliards de francs CFA » , avait ainsi affirmé le directeur de cabinet du président nigérien.

Mentionnant par ailleurs qu’il s’agissait d’un « effort exceptionnel », le considérant en effet comme « un cadeau », qui « fera l’objet d’un protocole d’accord spécifique entre le ministère nigérien des finances et Areva ». Tout en précisant que cette somme était destinée à compenser l’année de retard qu’accusera l’exploitation de la mine entre 2014 à 2015. Les 35 millions d’euros devraient être débloqués par anticipation selon lui à raison de « 16 millions d’euros en 2013, 10 millions en 2014 et 9 millions en 2015 ».

Menace à peine voilée, avais-je alors suggéré ? Indiquant que selon Hassoumi Massaoudou, l’exploitation de la mine – initialement prévue en 2012 – a été repoussée à 2014… en raison de l’enlèvement en 2010 de collaborateurs français d’Areva à Arlit par Al-Qaida au Maghreb (Aqmi). Suivez mon regard...

Mieux encore, le directeur de cabinet du président nigérien avait alors tenu à préciser qu’initialement le paiement devait s’effectuer en 2015, mais que le Niger avait souhaité « avancer le paiement » en raison de « priorités ».

M. Massaoudou avait par ailleurs ajouté que « toutes les conventions minières, dont celle d’Imouraren » , seront « renégociées en 2013″, des « négociations politiques » étant par ailleurs programmées « sur la question de l’uranium » avec la France. Précisons que ces propos ont été prononcés lors d’une conférence de presse organisée suite à la publication récente par la presse locale d’un « document confidentiel » sur des discussions tenues en novembre à Paris entre le directeur de cabinet du président nigérien et les responsables d’Areva au sujet d’Imouraren.

Fin octobre, dans un communiqué du conseil des ministres, le Niger avait critiqué le partenariat historique avec le groupe français, estimant que ce dernier est « très déséquilibré en défaveur du Niger et ce, depuis quarante et un ans d’exploitation de ce minerai ». Ajoutant que « ce déséquilibre est corroboré par le fait que les recettes tirées de l’uranium représentent 5 % des recettes du budget national », alors que – selon le gouvernement – le pays devrait en tirer « des ressources importantes ». Le Niger avait alors exprimé « sa volonté d’accroître les retombées du secteur minier pour le peuple nigérien, à travers notamment le renforcement de sa participation à la gouvernance du secteur ».

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A l’heure actuelle, le site de Imouraren est détenu à 57% par Areva, 33% par l’Etat nigérien et 10% par un consortium coréen mené par l’électricien Kepco, lequel a racheté sa participation fin 2009 à Areva. Selon le groupe français, sa production devrait approcher les 5.000 tonnes de minerai par an sur une durée de plus de 30 ans, via un investissement initial de plus de 1,2 milliard d’euros et près de 1.400 emplois directs.

A la mi-janvier également, le journal « la Tribune » indiquait qu’Areva allait céder une participation d’environ 10% dans la mine d’uranium Imouraren au groupe chinois CNNC pour environ 200 millions d’euros. Toujours selon le journal, l’opération n’attendrait plus que le feu vert du gouvernement nigérien. Depuis... pas de nouvelles...

Précisons qu’Areva exploite deux autres mines d’uranium au Niger : la Somaïr, près d’Arlit dans le nord du pays – lequel a battu en 2012 son record de production annuelle – détenue à 64% par Areva et à 36% par l’Etat nigérien, et le site de la Cominak, près d’Arlit également. Le groupe est le premier employeur privé dans le pays subsaharien.

Mais, tout comme le 11 septembre avait permis de justifier une surveillance accrue, au nom de la chasse aux terroristes, l’épopée des rebelles touaregs et des djihadistes maliens ainsi que les opérations des terroristes sévissant en Algérie aura permis ni plus ni moins de justifier à sa manière l’installation d’une base militaire US en Afrique via l’Africom, et plus particulièrement au Niger. Le tout assorti d’envois de drones pour pouvoir surveiller l’Afrique du Nord et le Sud Algérien. Une information en effet relayée par le quotidien américain New York Times et confirmée par Reuters.

Selon le New York Times, des drones Predator seront ainsi chargés d’effectuer des missions de surveillance dans la région « afin de combler le manque d’informations plus détaillées sur un certain nombre de menaces régionales dont celles relatives aux groupes terroristes s’activant dans le nord du Mali et au flux de combattants et d’armes en provenance de Libye ».

L’Africom envisagerait par ailleurs l’établissement d’une base de drones au nord-ouest de l’Afrique afin, nous dit-on, d’augmenter les missions de surveillance des groupes extrémistes. Si les drones de surveillance seraient dans un premier temps non armés, des responsables militaires américains n’excluent pas toutefois le recours à des tirs de missiles « en cas d’aggravation de la menace ».

« Les drones seront positionnés dans le nord du Niger, dans la région désertique d’Agadez, à la frontière avec le Mali, l’Algérie et la Libye », avait par ailleurs indiqué une source proche du dossier à l’agence Reuters.

« Cela est directement lié à l’intervention militaire au Mali, mais il pourrait aussi donner à l’Africom une présence plus durable pour les missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) », ont justifié quant à eux les militaires US, précise pour sa part le New York Times.

Rappelons que l’Africom est formée de quelque 1.500 personnes dont le travail principal est la planification des activités militaires en Afrique. Sa mission consiste – officiellement – à protéger et à défendre les intérêts sécuritaires des États-Unis à travers le renforcement des capacités de défense des États et des organisations africaines.

Il mène des opérations militaires, afin – nous dit-on – « de dissuader et de vaincre les menaces transnationales et de fournir un environnement sécuritaire favorable à la bonne gouvernance et au développement ».

Officiellement, l’Africom œuvre pour un partenariat fructueux entre les États-Unis et 53 nations d’Afrique et pour l’instauration d’espaces de sécurité et de stabilité sur le continent. Des missions qui pourraient être loin d’être totalement désintéressées...

Elisabeth Studer – www.leblogfinance.com – 24 mai 2013

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