Le déni de guerre : par ces temps d’austérité, les budgets militaires sont étrangement préservés en France, en Grèce également…

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 2%

Avant tout débat budgétaire pour 2011 prévu mardi prochain, des "lettres plafonds" signées par Matignon sont envoyées aux Ministères, ce qui fait que l’on sait les grandes orientations.

Les "lettres plafonds" signées par Matignon, sont un document qui synthétise les crédits qui seront alloués de 2011 à 2013 aux différents ministères. Dès mardi, le débat d’orientation budgétaire (DOB) commencera à l’Assemblée nationale, avant d’arriver jeudi au Sénat. Ce débat sera l’occasion pour le gouvernement de détailler sa stratégie de réduction des déficits publics de 8 % du PIB cette année, à 3 % en 2013, ce qui représente 100 milliards d’euros d’économies. Pour la première fois, ce débat sera suivi d’un vote. Le cadrage général est connu : de 2011 à 2013, les dépenses de l’État seront maintenues, en euros, au même niveau qu’en 2010, hors charges de la dette et des pensions de retraite. Comme par ailleurs les transferts en faveur de l’Union européenne augmenteront, les dépenses des ministères devront, en réalité, diminuer de 0,2 % chaque année. Mais le budget de la défense lui augmente de 3,1%.

1. En France le budget de la défense augmente de 3,1%

Trois missions échapperont à l’amputation que devront en général subir les autres ministères en particulier la santé, l’éducation, la culture, etc… : la Défense, l’Enseignement supérieur et la Recherche, et l’Aide publique au développement. L’arbitrage sur la Défense a été rendu la semaine passée par l’Élysée. La hausse des dépenses de 3,1 % en valeur de 2011 à 2013 permettra d’éviter des coupes dans les programmes d’équipement militaire en cours, même si les effectifs baisseront. Car ce qu’il faut bien considérer c’est qu’en dehors de l’Afghanistan où on envoie encore des troupes, les crédits seront de plus en plus affectés à s’équiper, à installer des bases, à augmenter les mégatonnes nucléaires aussi bien sur rafales que dans les sous marins.

Le débat budgétaire serait une excellente occasion de poser la question de la guerre en Afghanistan dont le coût ne cesse d’augmenter comme d’ailleurs d’interroger sur l’utilité de la base et sur la politique suivie dans le cadre de l’OTAN en vue d’une attaque de l’Iran. La France en 2009 a consacré à l’Afghanistan au moins 330 millions en 2009 (+40%). Le coût réel de toutes les opérations militaires de la France à l’étranger atteint 1,336 milliard d’euros qui n’est pas le budget total de l’armée mais simplement celui de nos expéditions militaires. Cette hausse de 40% s’explique par le fait qu’en 2008, la France a décidé d’envoyer un millier d’hommes en renforts en Afghanistan. Coût supplémentaire : 150 à 200 millions, pour une facture totale de 300 millions d’euros en 2008. Qui osera mettre en cause dans « ces temps de péril » le budget de la défense ? Quel péril ? Qui nous menace en Afghanistan ? En Iran ? Mais voyons c’est un enjeu de civilisation, les hordes islamistes contre les juifs, la deuxième guerre mondiale, l’hitlérisme et le communisme unis contre nos foyers européens et chrétiens… ne vous en occupez pas, on règle pour vous… Faites de l’altermondialisme, de la solidarité humanitaire, augmentez les rangs de l’extrême-droite… D’ailleurs les questions internationales n’intéressent pas les Français…

Ce qu’il faut également bien comprendre face à une telle annonce, c’est que des budgets comme celui de la recherche et l’aide publique au développement ne sont en rien comparables à celui de la défense et donc la hausse des dépenses de 3,1% dans ces temps de « rigueur » est vraiment le plus caractéristique, surtout qu’il correspond à une tendance mondiale. Malgré la crise, les dépenses dans le monde consacrées à l’armement ne cessent d’augmenter. Le cas le plus extraordinaire est celui de la Grèce que nous analysons après celui de la France.

2. La contribution française à l’Europe augmente pour payer les agents européens alors que nous supprimons des fonctionnaires et bloquons leurs salaires

Pour bien mesurer la situation, ce sont 100 000 postes de fonctionnaires qui seront supprimés entre 2011 et 2013. Rien que l’an prochain, 16 000 emplois disparaîtront à l’Éducation nationale. Grâce à cette coupe dans les effectifs, l’État économisera 1,5 milliard d’euros sur trois ans. Par ailleurs, le point d’indice, base de calcul des salaires des fonctionnaires, sera gelé en 2011.

Cette coupe sombre tant dans les postes que dans les salaires est d’autant plus remarquable que, comme nous l’avons vu, la contribution de la France à l’Union européenne va augmenter, notamment pour financer la rémunération des agents européens de 6%. Mais ce n’est là que la cerise sur le gâteau d’une augmentation plus globale de la contribution française.

Mais cela ne suffira pas. Les dépenses de fonctionnement de l’État diminueront également de 10 % en trois ans, soit un peu plus d’un milliard d’économies. Là encore il faut noter que le gros de la baisse touche les 10 % des dépenses d’intervention (66 milliards d’euros au total), c’est-à-dire les aides sociales et les subventions.

3. Pour bien comprendre la situation européenne, il faut également s’intéresser à ce qui se passe en Grèce, le pays sous tutelle pour dépenses pléthoriques

Le plan d’austérité de l’UE et du FMI impose aux Grecs de consentir d’importants sacrifices en matière de revenus et d’accepter un alourdissement de la fiscalité sur la consommation. En revanche, le budget militaire grec semble étrangement préservé de la cure.

Et pourtant, il est le plus élevé de l’UE (autour de 6 milliards d’euro) et le deuxième de l’OTAN si on le rapporte au PIB : 3% du PIB en 2008 contre 1,7% de moyenne dans les autres pays de l’alliance.

On entretient depuis toujours en Grèce, l’idée de la menace turque, favorisée il est vrai, par des incursions quotidiennes des turcs tant navales qu’aériennes, situation totalement extraordinaire puisque les deux pays sont dans l’OTAN. Et que donc théoriquement ils se doivent aide mutuelle en cas d’attaque extérieure.

On constate des diminutions des dépenses de fonctionnement et des effectifs, mais sans commune mesure avec les coupes drastiques partout ailleurs. Mais il faut que l’équipement militaire se poursuive ne serait-ce que pour encourager les Turcs à en faire autant, disent cyniquement les marchands d’armes. En effet comment expliquer que ces dépenses pléthoriques aient échappé au contrôle tatillon de l’Allemagne dont les tabloïds invitaient récemment les Grecs à vendre quelques Cyclades. Parce que le maintien du budget militaire grec arrange la France et l’Allemagne. Selon le député apparenté communiste Jean-Pierre Brard, la Grèce représenterait une part de 13% de l’industrie allemande d’armement. Et là il est clair que les industries de l’armement français et allemands jouent depuis des années à exaspérer les tensions entre grecs et turcs pour leur vendre alternativement des armes. D’où le fait que l’Allemagne et la France, principaux banquiers de la dette grecque ont pesé pour une austérité drastique sauf sur l’armement.

4. Replacer ces dépenses dans un contexte mondial

Le dernier rapport annuel de l’Institut international de recherche pour la paix de Stockholm (Sipri), publié le 8 juin 2009, indique que les dépenses militaires mondiales ont atteint un record en 2008 et tout laisse à penser que 2009 aura été également une année faste, 2010 s’annonce pleine de promesse.

Ainsi, les budgets militaires ont été estimés à 1 464 milliards de dollars, ce qui fait une progression de 45% en dix ans, et de 4% par rapport à 2007, à prix constants. Selon le Sipri, cela représente 2,4% de la richesse mondiale et 217 dollars par habitant. Par rapport à 2007, la hausse est de 4% à prix constant.

Près de 41% de ces dépenses militaires sont le fait des États-Unis, qui arrivent largement en tête du classement des pays les plus dépensiers en la matière puisque leur budget est supérieur à ceux des 14 autres principaux pays. Le budget de la défense américain a progressé de 67%, à prix courants, depuis 1999, pour s’établir à 607 milliards de dollars en 2008. La raison principale est l’engagement de Washington dans deux conflits, à savoir l’Afghanistan et l’Irak, qui, selon Sam Perlo-Freeman, un analyste du Sirpri, « ont coûté 903 milliards de dollars de dépenses militaires supplémentaires pour les seuls États-Unis ».

La France est traditionnellement le troisième pays le plus dépensier derrière la Grande-Bretagne avec 53 milliards de dollars, soit 5% des dépenses totales. Cela dit, ces derniers temps, vu le bellicisme otanesque, la Chine et la Russie ont fourni de gros efforts et le peloton de tête a peut-être un peu évolué, mais que l’on se rassure, la France reste dans le peloton de tête.

L’institut suédois établit également un classement des industriels de l’armement en fonction de leurs ventes pour l’année 2007. Ainsi, Boeing arrive en tête, avec des ventes estimées à 30,5 milliards. Sur les dix premières sociétés classées, six sont américaines (Lockheed-Martin, Northrop Grumman, General Dynamics, Raytheon et L-3 Communications). Ces entreprises ont évidemment profité des augmentations successives des budgets alloués au Pentagone. Le premier industriel européen du secteur est britannique : BAE Systems, bien implanté aux États-Unis, arrive à la seconde place. Le spécialiste de l’électronique de défense français, Thalès, se situe dixième.On sait les liens étroits qui unissent Thalès et Dassault.

Peut-être que l’on commence à comprendre pourquoi notre belle France vit un tel déni de guerre… C’est à peu près aussi logique que la manière dont on a convaincu les Turcs et les Grecs, bien qu’appartenant tous deux à l’OTAN, que leur sécurité dépendait d’une course aux armements y, compris en temps d’austérité.

Danielle Bleitrach

Source : Socio13

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