Le congrès de Tours vient de prendre fin ? à moins qu’il soit de nouveau devant nous ?

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L’Humanité a publié le 25 Mai un article au titre accrocheur "la fin du congrès de Tours", signé d’un certain Jean-Jacques Dulong, avocat au barreau de Paris, conseiller municipal de Dourdan. C’est un élu d’une liste de la "gauche écologique et sociale" qui a fusionné en 2014 avec une liste socialiste arrivée en tête dans une commune ou Macron précède Mélenchon au premier tour 2017.

Cet article éclairant écrit ce que sans doute de nombreux élus et dirigeants communistes pensent mais ne disent pas publiquement : Comment en finir (enfin !) avec le congrès de Tours.

Le constat..

Jean-Jacques Dulong fait tout d’abord deux constats clairs qui rejoignent notre analyse de la fin du PS et du PC de 1972...

- 1/ la gauche est laminée...
L’excellente campagne de Mélenchon ne peut cacher "la défaite historique de la gauche, non seulement sur le plan de l’arithmétique mais aussi et surtout sur le plan des idées".
Et même s’il prend soin de préciser que "Les électeurs sont cependant bon prince et les média dominants veillent…", il constate ce que nous partageons... "Le parti socialiste ne sert plus à rien aujourd’hui ni pour les classes dominantes ni pour les classes populaires et les classes moyennes et il y a fort à parier que son avenir est derrière lui..."

- 2/ Le parti communiste, qui fut utile, est dépassé...

Il rappelle que le parti communiste a été au premier rang depuis sa fondation "de la lutte (...) pour l’égalité sociale, pour l’accès de tous à l’éducation et à la culture, pour la solidarité entre les peuples du monde... ". Mais depuis les années 80, il souffre d’une valse hésitation entre "la rupture indispensable avec le parti socialiste et son arrimage avec les forces de gauche que M. Mélenchon a cristallisées (et réveillées)"

Nous partageons ce constat d’une valse hésitation, notamment depuis le comité central de 1984 qui discute de la participation gouvernementale et dont le compte-rendu ne sera publié que beaucoup plus tard, valse hésitation due à l’institutionnalisation du PCF qui dépend de plus en plus de ses élus, jusqu’à la nomination du responsable national des élus, Robert Hue, comme secrétaire national du parti.

Mélenchon a effectivement depuis réussi à agréger autour de sa personnalité une exigence de radicalité et de rupture avec un parti socialiste, représentant donc ainsi une "gauche vraiment de gauche". Jean-Jacques Dulong ne note pas cependant que cela a été d’abord une décision de la direction du PCF, et notamment de Marie-Georges Buffet. Si le PCF n’avait pas donné les clés de son électorat à JLM en 2012, celui-ci n’aurait pas eu la même légitimité pour organiser sa campagne de 2017. Cependant, il faut bien le reconnaitre, si la gauche insoumise est née d’abord d’une stratégie de la direction du PCF, c’est bien Jean-Luc Mélenchon qui lui a donné forme et force, sans s’embarrasser du Front de Gauche ou de "rassemblement" avec les autres. Les communistes mécontents de lui feraient mieux de s’interroger sur la stratégie suivie par les directions successives du PCF qu’ils ont soutenus aux derniers congrès... alors que le débat était ouvert et que des textes alternatifs proposaient au contraire de sortir de cette valse hésitation par un réancrage communiste !

Jean-Jacques Dulong considère que si Mélenchon a pu ainsi représenté une gauche vraiment de gauche, c’est que, le parti socialiste étant tiré par sa droite de plus en plus à droite, "le vrai parti socialiste, c’était en réalité le parti communiste ! ". Nous sommes d’accord, et nous avions d’ailleurs dénoncé le programme "l’humain d’abord" dont le contenu était moins transformateur que les 110 propositions de François Mitterrand en 1981... Sauf que nous avons dénoncé cette dérive réformiste qui a transformé un PCF parti révolutionnaire en PCF parti socialiste institutionnalisé...

Or, Jean-Jacques Dulong ajoute au contraire "et ce n’est pas une critique mais un compliment !". Pour lui, de fait, un parti communiste au sens d’avant 1981 n’a plus de sens, et c’est bien d’un parti "socialiste" qui est nécessaire, pas celui qui a dérivé à droite jusqu’à son accomplissement chez Macron, non, celui qui est vraiment à gauche et qui peut réunir toutes les forces vraiment de gauche...

D’ailleurs, Jean-Jacques Dulong considère en fait que la pratique du parti communiste est en France depuis au moins les années 50 résolument social démocrate, c’est à dire qu’elle vise une transformation progressive, pacifique et démocratique de la société, idéal et but auxquels le parti socialiste a définitivement renoncés depuis les années 80, faute de vouloir changer les structures sociales et économiques de la société….

La fin du congrès de Tours

C’est là que Jean-Jacques Dulong affirme avec force : Le congrès de Tours vient de prendre fin, faute de participants. Il est aujourd’hui dépassé.

Et c’est là qu’il faut bien comprendre la nature de l’opération France insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Car si un parti communiste est dépassé, ce qui dit aussi Marie-Georges Buffet par exemple (elle dit, il doit se dépasser...), alors il n’est plus nécessaire de différencier réformes et révolutions dans la vie politique. Alors la gauche peut se réunir en un grand mouvement progressiste, insoumis, indigné, ou même... socialiste, social-démocrate, voire progressiste, une "cosa", aurait-dit un ancien communiste italien.

Parceque le congrès de Tours étant fini, on peut enfin cesser de chercher à faire vivre un parti révolutionnaire... Jean-Jacques dulong affirme ainsi

Aujourd’hui, que signifie cependant se prétendre un parti révolutionnaire dans un monde où les sociétés socialistes issues de révolution n’existent plus comme dans la défunte URSS ou comme dans la Chine d’aujourd’hui ?,

Et si on refaisait le congrès de Tours ?

Nous affirmons au contraire que le socialisme du XXième siècle a laissé des traces profondes dans les réalités sociales et économiques, mais aussi dans les consciences. comme le montre les reportages de Danielle Bleitrach ou Monica Karbowski sur l’Europe de l’Est, ou le programme de la conférence pour le 100eme anniversaire de 1917 traduit par Marianne Dunlop. Nous tentons de connaitre et de comprendre la réalité politique et sociale de cette Chine d’un "socialisme de marché", ou coexiste pouvoir d’état, nationalisations et capitalisme.

Bien entendu, Jean-Jacques Dulong en conclut qu’il appartient aujourd’hui à M. Mélenchon et à tous ses électeurs de faire émerger un nouveau mouvement de gauche uni qui représente les salariés de ce pays. Bref, que la France Insoumise est le nouveau parti socialiste qui représentera cette gauche vraiment de gauche que le parti communiste portait dans les années du programme commun, que le parti socialiste a trahi en se laissant entrainer par sa droite, sans que le parti communiste ne trouve le courage de lui résister.

Jean-Jacques Dulong voudrait que cela se passe bien avec le parti communiste... "Ce mouvement ne pourra ni se créer, ni prospérer sur les ruines supposées du parti communiste mais dans le cadre de la réunion des vraies forces de gauche"

Mais c’est évidemment une question tactique soumise à l’ambition stratégique, reconstruire le grand parti de gauche d’avant 1920...

De nombreux communistes, dans leur diversité, sont attachés au contraire à l’existence d’un parti révolutionnaire, se prononçant clairement pour un changement de société, pour le socialisme, pour des nationalisations et le pouvoir aux travailleurs, construit dans l’action sociale et culturelle, ancré dans le monde du travail, organisé sur le terrain par les militants eux-mêmes.

Ils devront bousculer la direction du PCF pour refuser cette fin du congrès de Tours qui n’est en fait qu’un euphémisme pour parler de la fin du PCF, de son "dépassement", auquel ont déjà travaillé Robert Hue, Marie-Georges Buffet et Pierre Laurent...


Le texte complet de l’article en question...

La fin du congrès de Tours

Jean-Jacques Dulong, avocat au barreau de Paris, conseiller municipal de Dourdan.

Madame Le Pen est battue. Monsieur Macron est élu. L’immonde hypothèque fasciste qui a tant et trop pesé sur le débat politique est enfin levée mais l’essentiel n’est pas là aujourd’hui.

La gauche française sort laminée et même écrasée des deux tours de l’élection présidentielle.

Elle ne représente plus, toutes tendances confondues, que 30% de l’électorat que l’on ne peut totalement confondre avec la population, car tout le monde ne vote pas, et il s’en faut de beaucoup dans ce que l’on appelle, faute de meilleure expression, les couches populaires.

L’excellente campagne menée par J.L. Mélenchon qui a su allier talent oratoire et pertinence des analyses ne peut occulter cette réalité, la défaite historique de la gauche, non seulement sur le plan de l’arithmétique mais aussi et surtout sur le plan des idées.

Comment un bateleur sans réel projet si ce n’est de faire semblant de vouloir bouger la société pour qu’elle ne change pas, habile et convaincant pour seulement ceux qui veulent se laisser bercer et berner, créature médiatique infantée par les milieux d’affaires dominants et atlantistes a pu être élu en en picorant à gauche et à droite de vieux chevaux de retour et de jeunes carriéristes et en vendant la bonne volonté et le « sociétal » avec un soupçon de compassion comme solution au social qui n’en finit pas de sombrer depuis maintenant près de quarante ans ? C’est un vrai miracle que le pape devrait sanctifier…

Comme au 19ème siècle, comme on le disait alors, la question sociale est la question cruciale et elle est grosse de menaces pour les possédants. Les socialistes sont passés des années 1980 (je ne parle pas de leurs ancêtres de la SFIO, morts avec les Guy Mollet , Robert Lacoste et autres Jules Moch sous la 4ème République) de la droite de la gauche qu’ils incarnaient avec pour mission de rassurer les classes moyennes, notamment les cadres peu à peu acquis aux idées sociales et qui prenaient conscience que leur intérêt résidait davantage dans une alliance avec les ouvriers qu’avec le patronat à la gauche de la droite en abandonnant toute idée de réforme économique et sociale de rupture ou de transition avec le capitalisme dont on condamnait seulement les excès et en acceptant au nom de l’Europe la soumission au diktat des milieux économiques et financiers dominants qui se manifestent par :
- Le dogme du marché concurrentiel ouvert au monde au nom de la liberté et de la mondialisation, ce qui a notamment affaibli tous les services publics et accentué la désindustrialisation du pays,
- Une monnaie unique qui empêche de mener toute politique nationale de progrès,
- Un atlantisme zélé à l’international qui s’est amplifié avec M. Sarkozy et surtout M. Hollande, un comble pour ceux qui l’ont élu (dont moi) qui peuvent crier à l’escroquerie même si je ne lui ai jamais fait confiance (et à vrai dire, j’ai davantage confiance en M. Macron qui ne vend pas ce qu’il n’est pas ), un comble complétement antinomique avec la politique d’indépendance à l’écart des blocs prônée et mise en oeuvre par le général de Gaulle qui assura à la France respect et considération.
- Une acceptation servile de la domination américaine dans tous les domaines manifestée par l’abandon de fait de la langue française comme langue internationale et le passage au tout anglais, parangon de la modernité.

Conseiller économique de M. Hollande puis son ministre de l’Economie avant de le quitter opportunément pour créer son mouvement (avec ou sans son accord ?...) et pour éviter d’être entraîné dans la chute inexorable de ce président qui fut faible avec les forts (traduire les milieux d’affaire) et fort avec les faibles (traduire les salariés et notamment les ouvriers), M. Emmanuel Macron, malgré des éléments de langage et de gestuel empruntés à la fois au télé évangélisme et à l’imagerie monarchique médiévale, ne fera que prolonger cette politique en l’accentuant encore si tant est que ce fût possible mais l’histoire a démontré que tout était possible, le meilleur mais plus souvent le pire.

Le parti socialiste ne sert plus à rien aujourd’hui ni pour les classes dominantes ni pour les classes populaires et les classes moyennes et il y a fort à parier que son avenir est derrière lui, sauf si le nouveau parti de M . Macron à force d’amateurisme et d’arrogance perd toute crédibilité et relance les « Républicains » et les « socialistes ».

Les électeurs sont cependant bon prince et les média dominants veillent…
Le parti socialiste a perdu le contact avec les classes populaires malgré parfois des tentatives contestable de s’abriter derrière le communautarisme pour redorer son blason dans les banlieues et les classes moyennes citadines l’ont abandonné sur sa droite pour M. Macron et sur sa gauche pour M. Mélenchon.

Le parti communiste, quant à lui, n’a pas su trancher entre la rupture indispensable avec le parti socialiste (la valse hésitation dure depuis les années 80) et son arrimage avec les forces de gauche que M. Mélenchon a cristallisées (et réveillées) avec le talent qu’on lui connaît.

Le parti communiste a été, on l’oublie un peu facilement aujourd’hui, au premier rang de la lutte depuis sa fondation en 1921, quoiqu’on en dise, pour l’égalité sociale, pour l’accès de tous à l’éducation et à la culture, pour la solidarité entre les peuples du monde, et les militants et sympathisants du mouvement communiste international, y compris en Allemagne, ont payé par des centaines de milliers de morts leur intraitable combat contre le colonialisme et le fascisme qui fut en fin de compte en pire sa transposition européenne.

Les nazis assassinaient en URSS occupée les juifs et les communistes en même temps…

Aujourd’hui, que signifie cependant se prétendre un parti révolutionnaire dans un monde où les sociétés socialistes issues de révolution n’existent plus comme dans la défunte URSS ou comme dans la Chine d’aujourd’hui ?, d’autant plus que la pratique du parti communiste est en France depuis au moins les années 50 résolument social démocrate, c’est à dire qu’elle vise une transformation progressive, pacifique et démocratique de la société, idéal et but auxquels le parti socialiste a définitivement renoncés depuis les années 80, faute de vouloir changer les structures sociales et économiques de la société…

Le vrai parti socialiste, c’était en réalité le parti communiste ! et ce n’est pas une critique mais un compliment !

Le congrès de Tours vient de prendre fin, faute de participants. Il est aujourd’hui dépassé.

Il appartient aujourd’hui à M. Mélenchon et à tous ses électeurs de faire émerger un nouveau mouvement de gauche uni qui représente les salariés de ce pays, ceux qui n’ont pour vivre quotidiennement que leur force de travail, manuel ou intellectuel.
Malgré la défaite d’hier, le socle d’un tel mouvement existe chez les électeurs et surtout chez les abstentionnistes.

Seul, ce mouvement uni rendra l’espoir aux classes populaires et entraînera dans son sillage les classes moyennes.

Ce mouvement ne pourra ni se créer, ni prospérer sur les ruines supposées du parti communiste mais dans le cadre de la réunion des vraies forces de gauche de ce pays, notre pays, celles qui placent depuis au moins 1848 (voire 1793) la question sociale au centre de leurs préoccupations.

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