Le FN ou le CNR et la sortie du capitalisme

, par  Gilbert Remond , popularité : 2%

Quel est cet article sur l’euro de "La lettre volée", qui vient d’être publié sur le site "Faire vivre et renforcer le PCF" ? Faisons attention à ne pas devenir le canal de diffusion des mecs d’Asselineau ; je crains assez leur patriotisme versus croix de lorraine... qui lorgne vers ces valeurs de la France profonde dont plus d’un traditionaliste nous a servi leur petite musique ces temps ci.

Le titre de ce site dont il est difficile de savoir à qui il faut l’attribuer puisque les articles ne sont pas signés, reprend le titre d’une nouvelle d’Edgard Poe, traduite en français et publié par Baudelaire, relue et rendue célèbre par le psychanalyse Jacques Lacan dans les années soixante qui en avait repris l’intrigue pour sa cause de pédagogie freudienne dans un texte devenu une référence dans les milieux lacanien intitulé "Le séminaire sur la lettre volée". Partant de cette réminiscence je dirais comme lui, il faut lire la nouvelle d’Edgard Poe, "La lettre volée", pour comprendre l’obscure vérité à laquelle le sous-entendu de cette référence littéraire nous convie. Le nœud de l’intrigue concerne une lettre compromettante, subtilisé par le premier ministre d’un pays imaginaire pour faire chanter sa Reine. Les services de la police sont chargés de la récupérer mais ne parviennent pas à la trouver. Dupin le détective qui est appelé pour résoudre cette énigme découvre que la lettre était mise bien en évidence sur le bureau du maître chanteur. Il conclut cette histoire en démontrant que la meilleure des cachettes était cette mise en évidence de l’objet convoité. Car pourquoi vouloir aller chercher ce qui est sous les yeux.

Lacan reprend cette histoire pour parler du sujet de l’inconscient et de ce qu’il nomme la chaîne signifiante, c’est-à-dire ce qui du langage fait de nous ce sujet pensant, et élucider le rapport signifiant / signifié, ce rapport emprunté au linguiste F. de Saussure, pour nous expliquer comment se décompose le signe et sa signification, le mot qui dit la chose et la chose à dire : "ici le signe et l’être merveilleusement disjoints nous montrent lequel l’emporte quand il s’oppose". Nous voilà donc prévenu. Entre la chose qu’il nous faut pouvoir représenter pour en connaître l’existence et son représentant, le mot par lequel on peut la désigner ou encore l’image par laquelle on peut la rendre visible, la chose l’emportera toujours dans ce qu’elle a de plus primaire, c’est-à-dire dans ce qu’elle a été en premier, qu’elle restera ce noyau de vérité originaire autour de quoi s’incarne et se développe la chose à venir, même si l’enveloppe sous laquelle certain cherchent à nous la vendre veulent nous la décrire autre que ce qu’elle est. Il en est ainsi du Front national et de sa nouvelle figure.
 
Partant de cet article, je suis allé regarder dans ce blog d’autres articles, et j’y ai trouvé un article troublant sur Descartes, ce fin politique du masque et de la plume, qui se réclame par référence à cette figure du rationalisme et donne ses conseils sous l’emprunt d’une identité célèbre en se cachant par là-même, pour d’obscures raisons. Aux dires de ce porte plume, celui de "La lettre volée", Descartes se pose des questions sur l’intérêt qu’il y aurait de voter Front national, ce parti pouvant devenir dans le contexte politique de pro-européanisme chronique dans lequel est tombé toute la représentation politique traditionnellement démocratique, le dernier recours des républicains. De proche en proche, il est des manières de dire et d’écrire qui se dénudent de tout reproche pour finir dans le lit d’une nouvelle république aux courbes singulièrement post-démocratiques.

"Car ce signe est bien celui de la femme, pour ce qu’elle y fait valoir de son être, en le fondant hors de la loi, qui la contient toujours, de par l’effet des origines, en position de signifiant, voire de fétiche" (Lacan, le séminaire de la lettre volée).

 

Je reconnais que je détourne au fin de ma démonstration cette phrase de Lacan, mais l’interprétation que j’en fais peu ici prendre cette direction  : Marine qui se veut nationale et l’écrit sur ses affiches, pose dans l’opinion ce signifiant, celui de son nom qui s’enchaînant à celui de Marianne, prétend représenter la République, une République elle-même redevenue expression du peuple. Elle en est pourtant la moins apte à le comprendre, la moins apte à en prendre les destinées. Seule cette démagogie effrénée à laquelle nous ont habitué les fascistes peut lui permettre ses postures populistes, seule cette manière sans foi ni loi de détourner les aspirations populaires, de s’en revendiquer, peut abuser toujours et encore ceux qui cherche l’espoir dans un océan de tromperies et de désillusions politiques.
 
Attention au fétiche lepeniste, même rénové, même travaillé par de nouvelles recrues, son chant pareil à celui des sirènes, reste toujours ce même poison lancé pour attirer dans les abysses l’imprudent qui prendrait goût à les entendre, oui les origines de ce genre d’entreprise politique continuent à produire leurs effets, quelles que soient les enveloppes sous lesquelles elles se montrent car quelque chose de ses fondements contient toujours les mêmes structures de pensées et d’actions. N’oublions pas justement l’origine de classe de cette organisation, les buts qu’elle proclamait défendre, les intérêts quelle représente objectivement et qu’elle veut sévir.
 
Descartes semble produire une analyse juste et équilibrée quand il écrit

"le FN bénéficie aujourd’hui d’une dynamique montante. Il a réussi à devenir le parti tribunitien vers lequel les couches populaires se tournent dans un contexte où les partis traditionnels se désintéressent de leur sort"

puis quand il poursuit de ses bons conseils :

"pour accompagner cette dynamique, il lui faudra des cadres, et de véritables cadres capables non seulement de mobiliser des militants mais aussi d’exercer dans un contexte démocratique des fonctions électives".

Il peut par ailleurs sembler audacieux et prophétique quand il postule :

"Ce processus pourrait bien transformer le FN en un parti populiste, conservateur en matière sociétale, progressiste en matière sociale et économique, résolument nationaliste, anti-libéral et anti-européen."

Et d’exciper de ce raisonnement sa conclusion logique avec les bémols du conditionnel qu’il convient de mettre avant de dire, satisfait et presque complice,

"si tel était le cas il aurait un boulevard devant lui"

Mais il franchit le rubicond malgré toutes les précautions de langage utilisées avant d’en tester l’onde tumultueuse, lorsqu’il demande, stratège :

"la question est : comment doivent se positionner les progressistes devant ce phénomène ? Est-il possible de travailler avec ce nouveau FN et en faire une force pour le bien ?"

 
Il peut toujours essayer de vouloir atténuer la portée de ce qui ressemble à un ralliement en nous disant "j’entends d’ici les cris d’effrois" et le justifier par une scandaleuse comparaison avec De Gaulle, en nous expliquant :

"pourtant, pour les communistes de 1943, l’alliance avec un général à titre provisoire, maurassien entouré de réactionnaires catholiques - certain passablement antisémites et violemment anticommunistes - a ainsi semblé contre nature. Devant les dangers qui nous menacent aujourd’hui, n’y a-t-il pas là l’amorce possible d’un nouveau CNR"

C’est oublier ce qu’était la résistance sur le terrain, l’existence d’un puissant parti communiste qui malgré la répression avait su se redresser et construire les organisations de rassemblement qui allaient permettre la transition de ce CNR, grâce aux rapports de force créés préalablement. C’est oublier qu’il n’y a pas eu ralliement à une force politique hégémonique, mais confluence entre des secteurs de différentes cultures qui s’étaient établies avec des identités claires et surtout que De Gaulle, l’homme de la voix de Londres, représentait conjecturalement une garantie pour le maintien de la France en tant que pays souverain face à un impérialisme américain qui la libérait avec son aviation et ses blindés, pour mieux la soumettre à son administration qui arrivait dans les bagages de cette armée.
 
Mais tel est bien l’ambiguïté à vouloir trouver la sortie de nos difficultés en remettant le couvert. Faut-il rappeler que la crise dans laquelle nous nous trouvons est celle du capitalisme, et qu’elle est la conséquence de ses contradictions, que le CNR et sa promesse "de jours heureux" ne peut dans ce contexte constituer une réponse malgré les attaques dont ont fait l’objet les changements qu’ils avaient apporté dans l’organisation du pays et les progrès pour la population qui en avaient découlé. La situation dégradée dans laquelle nous nous trouvons est pour le plus grand nombre, d’une certaine manière, la conséquence d’une logique interne à ce programme dans la mesure où le CNR ne posait pas dans ses principes et ses orientations la sortie du capitalisme mais bien au contraire sa pérennisation par des réformes issues de rapports de force, pour le préserver de dispositions plus radicales dans les forces productives et leur contrôle démocratique par la population laborieuse (d’ailleurs la mise au pas de 1947 et le lancement du plan Marshall dont nous voyons les conséquences finales avec la proposition d’un grand marché ouvert aux USA, ont très rapidement remis les choses a leur place).

Si dans le contexte d’un pays ruiné par une occupation étrangère et sa dictature fasciste, un tel programme pouvait se concevoir tout en gardant l’objectif du socialisme, donc de poursuivre les luttes de classes qui lui permettront le passage par un renversement de l’ordre anciennement établit, il ne peut en être de même soixante dix ans plus tard alors que la reconstruction de ses structures économiques l’a conduit au stade où il se trouve, d’autant que plusieurs expériences de tentatives réformistes ont été menées depuis et ont échouées, à l’instar de celle engagée avec le programme commun, laissant une déception profonde qui est la cause de la situation décrite par Descartes dans son exposé. Enfin quel masochisme devrait-il nous pousser à vouloir rendre possible l’amorce d’un nouveau CNR avec des forces qui sont issues de celles contre lesquelles il avait été établi. Le plus sûr des moyens pour y parvenir, ne devrait-il pas être celui de la reconstruction d’un véritable parti communiste, d’un parti communiste qui ne se donnerait pas pour seul horizon celui d’un programme limité dans son application aux cadres construits par le capitalisme, mais qui en permette la sortie  ?

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    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

  • (2009) Déclaration de Malakoff

    Le 21 mars 2009, 155 militants, de 29 départements réunis à Malakoff signataires du texte alternatif du 34ème congrès « Faire vivre et renforcer le PCF, une exigence de notre temps ». lire la déclaration complète et les signataires

  • (2011) Communistes de cœur, de raison et de combat !

    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).