La menace de guerre et la réponse russe, par Sergei Glaziev Comment mener une coalition et éviter un conflit mondial

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Sergei Glaziev est un des conseillers du Président de la Fédération de Russie et membre de l’Académie des Sciences russe.

Résumé : Le monde a besoin d’une coalition de forces solides en faveur de la stabilité – une coalition mondiale anti-guerre avec un projet positif de réorganisation de l’architecture financière et économique internationale, sur les principes du bénéfice mutuel, de l’équité et du respect des souverainetés.

Les actions américaines en Ukraine devraient non seulement être classées comme hostiles pour ce qui concerne la Russie, mais aussi comme visant une déstabilisation mondiale. Les États-Unis provoquent ce qui est essentiellement un conflit international pour sauvegarder leur autorité géopolitique, financière et économique. La réponse doit être systémique et complète, visant à mettre à jour la domination politique des États-Unis et à y mettre fin, et, plus important, à saper leur pouvoir politico-militaire basé sur l’émission du dollar comme monnaie de réserve.

Le monde a besoin d’une coalition de forces solides en faveur de la stabilité – une coalition mondiale anti-guerre avec un projet positif de réorganisation de l’architecture financière et économique internationale, sur les principes du bénéfice mutuel, de l’équité et du respect des souverainetés.

Limiter l’arbitraire des émetteurs de monnaie de réserve

Cette coalition pourrait inclure les grands États indépendants (BRICS) ; les États émergents (la plus grande partie de l’Asie, l’Afrique et l’Amérique latine) contre lesquels le système financier et économique actuel a exercé des discriminations ; les États de la CEI intéressés par un développement équilibré et sans conflits ; et les nations européennes non préparées à obéir au diktat méprisant des États-Unis. La coalition devrait prendre des mesures pour éliminer les causes fondamentales de la crise mondiale, y compris :
- l’émission incontrôlée des monnaies de réserve mondiales, qui permet aux émetteurs d’abuser de leur position dominante, accroissant ainsi les disproportions et les tendances destructrices du système financier et économique mondial ;
- l’incapacité des mécanismes existants de régulation des banques et des institutions financières à écarter les risques excessifs et les bulles financières ;
- un potentiel de croissance épuisé au sein du système économique dominant basé sur la technologie et le manque de conditions pour en créer un nouveau, y compris des investissements insuffisants pour l’utilisation à grande échelle des solutions techniques de base.

Les conditions doivent être créées pour permettre aux autorités fiscales nationales de prêter de l’argent pour construire une économie basée sur les nouvelles technologies et réaliser la modernisation économique et pour encourager l’innovation et les affaires dans les secteurs de croissance potentielle. Les émetteurs des monnaies de réserve doivent garantir leur stabilité en maîtrisant leur dette nationale, leur balance de paiements et leur balance commerciale. Ils devront également employer des mécanismes transparents d’émission monétaire et assurer le libre échange pour tout arbitrage d’actifs dans leurs pays.

Un autre élément important que les émetteurs de monnaies de réserve doivent observer est le respect des lois honnêtes de la concurrence et un accès non discriminatoire aux marchés financiers. D’autres pays respectant ce genre de contraintes devraient être en mesure d’utiliser leur monnaie nationale comme instrument d’échange et en permettre également l’usage comme monnaie de réserve par les pays avec qui ils sont associés. Il serait bon d’envisager le regroupement des monnaies nationales prétendant au statut de réserve régionale ou mondiale en catégories dépendantes du degré de respect de certains standards par les émetteurs.

Au-delà de l’établissement de règles pour les émetteurs de monnaies de réserve mondiales, des mesures devraient être prises pour renforcer le contrôle sur les mouvements de capitaux, afin de prévenir les attaques de la spéculation qui déstabilisent les monnaies nationales et internationales ainsi que le système financier. Il sera nécessaire aux membres de la coalition d’interdire les transactions avec les juridictions off-shore et ne pas permettre l’accès au refinancement aux banques et sociétés créées avec des résidents off-shore. L’usage des monnaies ne respectant pas ces règles ne devrait pas être autorisé pour les règlements internationaux.

Une remise à niveau majeure des institutions financières internationales est nécessaire pour assurer le contrôle des émetteurs de monnaie globale de réserve. Les pays participants doivent être représentés honnêtement suivant des critères objectifs tels que leur part dans la production mondiale, dans les échanges et la finance, leurs ressources naturelles et leur population. Les mêmes critères devraient s’appliquer au panier de monnaies de pays émergents pour le nouveau DTS (Droits de Tirage Spéciaux) qui peut être utilisé comme un étalon permettant de déterminer la valeur des monnaies nationales, incluant les monnaies de réserve. À l’origine, ce panier devrait contenir les monnaies des membres de la coalition d’accord pour observer ces règles.

De telles réformes ambitieuses nécessiteront un support législatif et institutionnel approprié. À ce dessein, les décisions de la coalition devraient avoir le statut d’engagements internationaux et les institutions de l’ONU, d’autres organisations internationales représentatives ainsi que tous les pays intéressés dans la réforme devraient être largement impliqués.

Pour encourager l’application au niveau mondial des réussites socialement importantes de ce nouveau mode technologique, les pays vont devoir concevoir un système international de planification stratégique du développement socio-économique. Il doit inclure des projections à long terme de développement scientifique et technologique ; définir les perspectives pour l’économie mondiale, les associations régionales et les pays phares ; s’intéresser aux moyens de surmonter les différences, y compris le fossé entre les développements des économies industrialisées et émergentes et définir les priorités et objectifs pour les organisations internationales.

Les États-Unis et autres pays du G7 rejetteront probablement ces propositions de réforme du système monétaire et financier international sans discussion, de peur de voir s’ébranler le monopole leur permettant l’émission incontrôlée de monnaie mondiale. Tout en engrangeant d’énormes bénéfices de ce système, les pays occidentaux phares limitent l’accès à leurs propres actifs, technologies et marché du travail en imposant de plus en plus de restrictions.

Si le G7 refuse de « faire de la place » à la coalition anti-guerre dans les agences dont dépendent les organisations financières internationales, celle-ci devra se rendre maîtresse d’une synergie assez grande pour créer des régulateurs mondiaux alternatifs.

Les BRICS pourraient servir de banc d’essai et prendre les mesures suivantes pour maintenir leur sécurité économique :
- créer un système de paiement universel pour les membres des BRICs et émettre des cartes de paiement rassemblant l’Union Pay Chinoise, l’ELO brésilienne, le RuPay indien ainsi que des systèmes de paiements russes ;
- construire un système d’informations et d’échanges interbancaires comparable au SWIFT et qui fonctionnerait de manière indépendante des États-Unis et de l’Union Européenne ;
- fonder ses propres agences de notation.

La Russie, leader malgré elle

La Russie aura un rôle de leader dans la mise en place d’une coalition contre les États-Unis car elle est hautement vulnérable et ne sortira pas vainqueur de la confrontation en cours sans une telle alliance. Si la Russie échoue à faire preuve d’initiative, le bloc anti-russe que les États-Unis sont en train de former absorbera ou neutralisera les alliés potentiels de la Russie. La guerre contre la Russie, à laquelle États-Unis poussent l’Europe, peut bénéficier à la Chine, car l’affaiblissement des États-Unis, de l’Union européenne et de la Russie permettra à Pékin d’atteindre plus facilement un leadership mondial. De même, le Brésil pourrait céder aux pressions des États-Unis tandis que l’Inde se concentrerait davantage sur la résolution de ses problèmes intérieurs.

La Russie a autant d’expérience en matière de direction dans la politique mondiale que les États-Unis. Elle possède la nécessaire autorité morale et culturelle ainsi que des capacités militaires et technologiques suffisantes. Mais l’opinion publique russe doit encore surmonter son complexe d’infériorité, retrouver une fierté historique pour les siècles d’efforts qu’elle a fourni afin de créer une civilisation qui a rassemblé de nombreuses nations et cultures et qui a sauvé de nombreuses fois l’Europe et l’humanité de l’auto-extermination. Elle a besoin de ramener une compréhension du rôle historique que le monde russe a joué en créant une culture universelle, de la Rus kiévienne, héritière spirituelle de l’Empire byzantin jusqu’à la fédération de Russie, qui a succédé à l’Union soviétique et à l’Empire russe. Le processus d’intégration eurasienne devrait être présenté comme un projet global destiné à restaurer et à développer un espace commun pour des nations qui, de Lisbonne à Vladivostok et de Saint-Pétersbourg à Colombo, ont vécu et travaillé ensemble.

Une synthèse social-conservateur

Un nouvel ordre mondial pourrait être fondé sur un concept de synthèse sociale-conservatrice en tant qu’idéologie qui combinerait les valeurs des religions mondiales avec les acquis de l’État-providence, ainsi que le paradigme scientifique du développement durable. Ce concept devrait servir de programme positif pour construire une coalition anti-guerre et établir des principes universellement compréhensibles destinés à rationaliser et à harmoniser les relations sociales, culturelles, et économiques dans le monde.

Les relations internationales ne peuvent être harmonisées que sur la base de valeurs fondamentales partagées par toutes les cultures et civilisations majeures. Ces valeurs incluent la non-discrimination (égalité) et le fait de s’accepter mutuellement, un principe que déclarent toutes les confessions sans que l’on ait besoin de diviser les gens entre « nous » et « eux ». Ces valeurs peuvent être exprimées à travers des notions de justice et de responsabilité, ainsi qu’en formes légales des droits de l’homme et des libertés.

La valeur fondamentale d’un individu et l’égalité de tous, indépendamment de toute religion, ethnie, classe, ou autre arrière-plan, doit être reconnue par toutes les confessions. Cela découle, du moins dans les religions monothéistes, de la perception de l’unité de Dieu et du fait que chaque type de foi offre son propre chemin vers le salut. Cette vision permet d’éliminer les conflits religieux et ethniques violents tout comme elle permet à chaque individu de faire un libre choix. Mais des mécanismes légaux doivent être en place pour rendre possible cette participation des confessions à la vie publique et à la résolution des conflits sociaux.

Cette approche permettra de neutraliser un des instruments les plus destructeurs de cette guerre mondiale du chaos qu’emploient États-Unis : l’utilisation des luttes religieuses pour pousser à des conflits religieux et ethniques qui se transforment ensuite en guerres civiles et régionales.

Le rôle de la religion, en façonnant la politique internationale, fournira la base morale et idéologique nécessaire à la prévention des conflits ethniques et à la résolution des tensions ethniques, en utilisant des instruments nationaux de politique sociale. De nombreuses religions peuvent être aussi impliquées dans la planification de la politique sociale, fournissant ainsi un cadre moral pour les décisions des gouvernements, restreignant les attitudes de permissivité et de laxisme qui dominent les esprits des élites au pouvoir dans les pays développés, et ramenant une compréhension de la responsabilité sociale des autorités vis à vis de la société. Alors que les valeurs contestées de l’État-providence gagnent un fort soutien idéologique, les partis politiques devront reconnaître l’importance des limites éthiques qui protègent les principes fondamentaux de la vie humaine.

Le concept de synthèse sociale-conservatrice sera la base idéologique de réforme de la monnaie internationale, des relations financières et économiques en se fondant sur les principes de justice, de respect mutuel de la souveraineté nationale et d’échanges mutuellement avantageux. Cela exigera certaines restrictions de la liberté de forces du marché qui pratiquent constamment une discrimination à l’encontre de la plupart des personnes et des pays en limitant leur accès à la richesse.

Le mondialisme libéral a miné la capacité des pays à influencer la distribution du revenu national et des richesses. Les multinationales délocalisent sans contrôle les ressources auparavant contrôlées par des gouvernements nationaux. Ces derniers doivent opérer des coupes dans les prestations sociales pour préserver l’attractivité de leurs économies. Les investissements sociaux publics, dont les bénéficiaires n’ont plus d’identité nationale, ont perdu leur puissance. À mesure que l’oligarchie qui a pour centre les États-Unis capte une part grandissante du revenu généré par l’économie mondiale, le niveau de vie s’érode dans les économies ouvertes et la difficulté d’accès à la richesse publique s’accroît. Pour surmonter ces tendances destructrices, il sera nécessaire de changer toute l’architecture des relations financières et économiques et de restreindre le libre mouvement du capital. Cela devrait être fait pour empêcher les multinationales d’échapper à leur responsabilité sociale d’une part, et pour égaliser les coûts des politiques sociales partagés par les états d’autre part.

La première chose implique d’éliminer les juridictions offshore, qui permettent l’évasion fiscale, et de reconnaître les droits des états à réguler les mouvements de capitaux transfrontaliers. La seconde signifierait établir des critères sociaux minimaux pour assurer l’amélioration accélérée de la sécurité sociale dans les pays relativement pauvres. Cela peut être fait en créant des mécanismes internationaux pour équilibrer les niveaux de vie, ce qui, en retour, demandera un financement approprié.

En travaillant conformément au concept de synthèse sociale-conservatrice, la coalition anti-guerre peut réformer le système de sécurité sociale mondial. Une redevance de 0,01% sur les opérations de changes de devises pourrait financer des mécanismes internationaux prévus pour égaliser les niveaux de vie. Cette redevance (de plus de 15 000 milliards de dollars par an) pourrait être facturée sous un accord international et les législations fiscales nationales et transférée aux organisations internationales comme la Croix-Rouge (prévention et intervention lors des crises humanitaires causées par les catastrophes naturelles, guerres, épidémies etc) ; l’Organisation Mondiale de la Santé (prévention des épidémies, réduction de la mortalité infantile, vaccinations, etc) ; l’Organisation Internationale du Travail (surveillance mondiale des normes de sécurité et du droit du travail, y compris des salaires conformes aux niveaux minima de subsistance, interdiction du travail des enfants et du travail forcé, migrations économiques) ; la Banque mondiale (construction d’infrastructures sociales – réseaux d’approvisionnement en eau, routes, évacuation des eaux usées, etc) ; l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (UNIDO) (transfert de technologies aux pays en développement) et l’UNESCO (soutien à la coopération internationale en sciences, éducation et culture, protection des héritages culturels). Les dépenses devront être faites selon les budgets approuvés par l’Assemblée générale des Nations Unies.

Une autre tâche consisterait dans la création d’un système mondial de protection de l’environnement financé par les pollueurs. Ceci peut être fait par la signature d’un accord international qui établirait des amendes généralisées pour la pollution et affecterait les sommes récoltées à la protection de l’environnement, sous des législations nationales, et sous la supervision d’une organisation internationale autorisée. Une partie de cet argent devrait être allouée à des activités liées aux problématiques environnementales mondiales et à la surveillance. Un mécanisme alternatif peut être fondé sur le marché des quotas de pollution, sous le protocole de Kyoto.

Un aspect important est la création d’un système mondial pour éliminer l’illettrisme et assurer l’accès public à l’information et à une éducation moderne, à travers le monde. Cela demandera la standardisation des exigences minimales pour une éducation primaire et secondaire complètes, et le financement des pays en voie de développement avec des revenus générés par le système de taxes ci-dessus. Il doit y avoir un système universellement accessible d’éducation de troisième cycle fourni par les plus grandes universités des pays industrialisés. Ces dernières peuvent établir des quotas d’admission d’étudiants étrangers sélectionnés sur concours internationaux et financés par la même source. De façon simultanée, les universités participantes pourraient instaurer un système d’enseignement à distance pour toutes les personnes détentrices d’un diplôme de fin d’études secondaires. L’UNESCO et la Banque mondiale pourraient s’engager à créer et à soutenir l’infrastructure d’information nécessaire, en tirant leurs fonds de la même source.

Harmonisation anti-crise de l’ordre mondial

Le fossé grandissant entre pays riches et pays pauvres menace le développement et l’existence même de l’humanité. Ce fossé est créé et maintenu par des institutions nationales, aux États-Unis et dans les pays alliés, qui s’arrogent un certain nombre de fonctions sur les échanges économiques internationaux dans leur propre intérêt. Ils ont monopolisé le droit à l’émission de monnaies mondiales et en utilisent les revenus pour leurs propres bénéfices, donnant un accès illimité aux prêts à leurs banques et sociétés. Ils ont monopolisé les droits de définition des standards techniques permettant à leur industrie de maintenir une suprématie technologique. Ils ont imposé au monde leurs propres lois sur les échanges internationaux, imposant aux autres pays l’ouverture de leurs marchés et limitant de manière substantielle leur propre capacité d’action sur la compétitivité de leurs économies nationales. Finalement, ils ont forcé la majorité des pays à ouvrir leurs marchés des capitaux, permettant de ce fait la domination de leur propres nababs financiers, qui ne cessent de multiplier leur richesse en exerçant un monopole sur la monnaie.

Il est impossible d’envisager avec succès un développement socio-économique durable sans élimination de l’usage, pour des intérêts privés ou nationaux, du monopole sur les échanges économiques internationaux. Des restrictions nationales et mondiales peuvent être imposées pour soutenir le développement durable, harmoniser les affaires publiques mondiales, et éliminer les discriminations dans les relations économiques internationales.

Afin d’empêcher une catastrophe financière mondiale, des mesures urgentes doivent être prises pour créer à la fois une nouvelle monnaie sure et efficace ainsi qu’un système financier basé sur un échange mutuellement avantageux des monnaies nationales. Ce nouveau système exclurait l’appropriation par une prééminence mondiale pour des intérêts privés ou nationaux.

Pour égaliser les chances de développement socio-économique, les économies émergentes doivent avoir un accès libre aux nouvelles technologies conditionné à leur promesse de non usage à des fins militaires. Les pays se conformant à ces restrictions et donnant accès aux informations concernant leurs budgets militaires seront exemptes des contraintes de contrôle de leurs exportations et recevront de l’assistance pour l’acquisition de nouvelles technologies de développement.

Un mécanisme international empêchant les multinationales d’abuser de leur monopole sur le marché assurerait une concurrence loyale. L’OMC pourrait assurer un contrôle anti-trust grâce à un accord spécial engageant tous les états membres. Ceci permettrait aux entités économiques de demander l’élimination des abus de monopole commis par les multinationales ainsi que la compensation des pertes résultant de tels abus en imposant des sanctions contres les entités fautives. En plus des prix sur ou sous-facturés, des tromperies sur la qualité ou autres exemples de concurrence déloyale, les salaires inférieurs au niveau régional du minimum de subsistance tel que défini par l’OMT devraient également être considérés comme un abus. De plus, devrait exister une régulation raisonnable des prix pour les produits et services émanant de monopoles régionaux ou mondiaux.

En raison d’échanges économiques inégalitaires, les pays devraient se réserver le droit de réguler leurs propres économies afin de pouvoir égaliser les niveaux de développement socio-économiques. En plus des mécanismes de protection contre la concurrence déloyale des marchés nationaux par l’OMC, cette égalisation pourrait se faire aussi en encourageant le progrès scientifique et technologique et en assurant le soutien de l’État à l’innovation et l’investissement ; en établissant un monopole d’État sur l’usage des ressources naturelles ; en introduisant le contrôle des monnaies pour limiter la fuite des capitaux et empêcher les attaques spéculatives sur les monnaies nationales ; en maintenant le contrôle gouvernemental sur les industries stratégiques ; et en utilisant d’autres mécanismes pour renforcer la compétitivité.

Une concurrence loyale dans les technologies de l’information est essentielle. L’accès aux réseaux mondiaux d’informations doit être garanti pour chacun, consommateur ou pourvoyeur. Ce marché peut être maintenu ouvert grâce à de strictes dispositions anti-trust qui ne permettront ni à des groupes ni à des pays d’être en position dominante.

Pour s’assurer du respect des règles nationales et internationales par les participants aux échanges économiques mondiaux, doivent exister des pénalités définies par un code international applicable par la cour sans tenir compte de sa juridiction nationale. Toutefois, faire appel auprès d’une cour internationale dont le jugement serait d’application obligatoire pour tous les états, devrait être possible. Des règles contraignantes et des pénalités pour non-respect des règles (à côté des pénalités infligées pour violation des lois nationales) donneraient aux accords internationaux préséance sur les lois nationales. Les pays ne respectant pas ces principes devraient voir leur participation aux activités économiques internationales limitée par l’exclusion de leur monnaie nationale des règlement internationaux, par des sanctions économiques contre leurs résidents et des limites mises à leurs opérations sur les marchés internationaux.

Pour renforcer tous ces changements fondamentaux dans les relations internationales, une coalition forte devra être créée, capable de surmonter la résistance des États-Unis et des pays du G7, qui recueillent d’énormes bénéfices de leur domination sur les marchés mondiaux et dans les organisations internationales. Cette coalition devrait être prête à utiliser des sanctions contre les États-Unis et les autres pays qui refusent la priorité des obligations internationales sur les règlementations nationales. Rejeter le dollar américain dans les règlements internationaux serait le moyen de pression le plus efficace pour obtenir la collaboration des États-Unis.

La coalition anti-guerre devrait offrir une alternative à la course aux armements, comme un moyen d’encourager une nouvelle ère de développement technologique. Cette alternative conduirait à de larges coopérations internationales tournées vers la résolutions de problèmes mondiaux nécessitant la mise en commun des moyens pour créer des technologies d’avant-garde. Par exemple, il n’y a actuellement pas de solution pour protéger la planète de menaces venant de l’espace profond. Le développement de telles solutions requerra des avancées technologiques qui peuvent être atteintes en combinant les efforts des pays phares et par le partage des coûts.

Le paradigme du développement durable rejette la guerre en tant que tel. Au lieu de la confrontation et de la rivalité, il est basé sur la coopération et la collaboration comme un moyen de mettre en commun les ressources dans les domaines prometteurs de la recherche scientifique et technologique. À la différence de la course aux armements provoquée par la géopolitique, il peut fournir une meilleure base scientifique et organisationnelle pour gérer un nouveau mode technologique. Cela entraînera le développement de la santé, de l’éducation et de la culture, ce qui n’est que rarement stimulé par les dépenses pour la défense. Ces secteurs non-productifs et la science compteront pour au moins la moitié du PIB dans les grands pays industrialisés, dans les années à venir. Par conséquent, une solution d’avenir devrait comprendre le transfert du centre d’attention du gouvernement des dépenses de défense vers des programmes humanitaires, principalement de médecine et de sciences biologiques. Puisque l’état paie plus de la moitié des dépenses de santé, d’éducation, et de travaux scientifiques, un tel changement faciliterait la gestion systématique du développement socio-économique et endiguerait les tendances destructrices.

* * *

Un nouveau cycle d’élection commencera aux États-Unis en 2017, lequel va probablement faire la part belle à une rhétorique anti-russe en tant que base idéologique d’une guerre mondiale que Washington essaye de déclencher dans une tentative pour conserver son pouvoir. À ce moment là, la crise du système financier américain peut avoir abouti à des réductions de ses dépenses budgétaires, à la dévaluation du dollar, et au déclin du niveau de vie.

Des problèmes intérieurs et des crises de politique étrangère conduiront le gouvernement américain à une montée en puissance de ses tactiques agressives, tout en affaiblissant en même temps ses positions. Si la Russie mobilise son potentiel intellectuel, économique et militaire, elle aura une chance de passer à travers les conflits en 2015-2018 du fait que les États-Unis et ses alliés ne seront toujours pas préparés à une agression directe.

La Russie fera face à la période la plus dangereuse au début des années 2020 lorsque les pays industrialisés et la Chine devraient commencer leur modernisation technologique et que les États-Unis et d’autres pays Occidentaux sortiront de la dépression financière et feront un saut technologique en avant. Mais la Russie peut radicalement rester en retard technologique et économique en 2021-2025, ce qui détériorerait ses capacités de défense et conduirait à des conflits sociaux et ethniques internes en grande partie similaires à que ce qui s’est passé en Union soviétique à la fin des années 1980. Ces conflits seraient fomentés aussi bien depuis l’extérieur que l’intérieur, en utilisant les inégalités sociales, les écarts de développement entre des régions, et des problèmes économiques. Pour éviter le pire scénario possible menant à la désintégration du pays, la Russie devra adopter une politique extérieure et domestique systémique pour renforcer la sécurité nationale, assurer l’indépendance économique, améliorer la compétitivité internationale, stimuler le développement économique, mobiliser la société et améliorer l’industrie de défense.

Avant 2017, alors que les États-Unis commencent à menacer la Russie ouvertement et sur tous les fronts, l’armée russe devrait disposer d’armes modernes et efficaces, la société russe devrait être renforcée et être confiante en sa force, les intellectuels devraient maîtriser le nouveau modèle technologique, l’économie devrait se développer et la diplomatie russe devrait réussir à créer une large coalition contre la guerre et capable d’unir leurs efforts en vue d’arrêter l’agression américaine.

Sergei Glaziev

Voir en ligne : Source : GlobalAffairs.ru, 23/09/2014, traduction collective par les lecteurs du site www.les-crises.fr

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