La France entre en récession - Plutôt le Front populaire qu’Hitler

, par  Danielle Bleitrach , popularité : 3%

Il n’a été cessé de nous répéter qu’il fallait de l’austérité pour éviter la dégradation. Face à cela les dirigeants politiques français dans leur immense majorité se sont disputés sur les conditions d’application de l’austérité : sur ma saucisse, je mets du ketchup, moi je mets de la moutarde mais tu boufferas la saucisse de l’austérité. Ceux qui à la marge dénonçaient l’austérité, ne mettaient pas en cause l’Europe, ils nous la jouaient sur fond de la IXème de Beethoven en expliquant comment sauver le soldat zone euro.

L’Europe comme la corde et le pendu.. ou la République de Weimar

Comme prévu, il y a de la récession et donc la dégradation, c’est une spirale qui était prévisible mais il fallait sauver les banques ou plutôt continuer à assurer au capital sa livre de chair. L’Europe, c’est ça et ceux qui continuent à s’y accrocher comme la corde au pendu portent une lourde responsabilité. Depuis pas mal de temps (août 2007), tout cela est évident, la seule question que je me pose à la veille des présidentielles est pourquoi y-a-t-il unanimité du monde politicien pour s’accrocher à la zone euro et pour suivre comme un seul homme les errances bellicistes de l’OTAN ? Ces deux faits ne sont pas isolés, ils permettent en les liant de voir à quel point on a bâti un repoussoir avec Marine Le Pen en la laissant être la seule à dénoncer l’euro. Mais en le faisant de telle sorte que la dénonciation entretient bouc émissaire et bellicisme et évite complètement une véritable analyse, empêche le citoyen de comprendre des mécanismes qui le conduisent au désastre. Hitler est parvenu au pouvoir en disant pour une part la vérité sur ce que vivait le peuple allemand, mais il dévoyait cette vérité contre le complot juif et le bellicisme… Il a voulu recréer l’Europe, le saint empire romain germanique et en a dessiné les contours et la vocation de prédateur.

Oui il s’agit bien de l’Europe telle qu’elle est et non telle qu’on la rêverait. L’Europe telle qu’on l’a construite, Mitterrand et Kohl main dans la main, telle que la rêve Mélenchon au point de la reproduire devant la tombe de Rosa Luxembourg avec le social-démocrate Oscar Lafontaine, en oubliant ou feignant d’oublier que Rosa Luxembourg a été assassinée par la social-démocratie. C’est un symbole et plus que ça, c’est le choix d’une Europe construite pour assassiner une fois de plus Rosa Luxembourg, construire la République de Weimar faite de compromis avec la réaction, les conservateurs de la Wehrmacht et les grands capitalistes de la Ruhr jusqu’à ce qu’ils préfèrent directement Hitler. A la seule différence que le parti communiste et avec lui un syndicalisme de classe combatif n’existe plus, nous sommes au dernier acte de la pièce et le vote de 2012 sera l’achèvement de la comédie. La grande œuvre de Mitterrand, celle pour laquelle il avait besoin de tenir la main du chancelier Kohl, est en train de s’achever : il n’y a plus de force révolutionnaire capable de résister et ceux qui usurpent l’héritage nous aurons conduit là.

L’histoire ne se reproduit pas à l’identique, la première fois c’est une tragédie et la seconde une comédie, ainsi en est-il de la scène de ménage vaudevillesque qui a meublé l’actualité depuis des mois et des mois…

La seule consolation si consolation il y a, est que nous sommes enchaînés au sort de l’Allemagne avec d’autres pays et que l’Allemagne elle-même dont l’économie est pour une part essentielle liée à ses clients européens va à terme crouler à son tour. Il ne s’agit pas seulement de la France en effet : les PIB de la France et de la zone euro vont reculer deux trimestres d’affilée, selon l’Insee. Conséquence des turbulences sur les marchés financiers, les conditions du crédit se resserrent et les entreprises gèlent leurs investissements. Le scénario appliqué à la Grèce étendu à la zone euro, saigner le malade, produit les effets escomptés. Les investisseurs ne sont pas aussi erratiques qu’il paraît : qui prêterait à un chômeur endetté sinon à des taux usuriers. La fiction du couple franco-allemand est aujourd’hui un pur théâtre d’ombre : la France emprunte à 3,5% alors que l’Allemagne emprunte à 1%. Qui parle du couple quand l’un et l’autre jouissent de telles conditions et que l’union ne sert qu’à protéger les banquiers français endettés ? La seule raison d’être de ce pseudo couple dont on prétend gouverner l’endettement mais refuser le partage des avoirs, est d’empêcher la France comme bien d’autres pays de pouvoir gérer sa crise faute d’une maîtrise du volant monétaire.

La récession selon l’INSEE, une vision optimiste

Les prévisions de l’Insee auront rarement été aussi sombres. L’institut prévoit, dans sa note de conjoncture de décembre, un recul du PIB français pour le trimestre en cours (- 0,2 %) et le suivant (- 0,1 %). En d’autres termes, la récession. L’activité repartira à partir du deuxième trimestre 2012, prévoit l’Insee. Et encore, puisque le PIB ne progresserait alors que de 0,1 %. Au total, la croissance s’établirait à 1,6 % en 2011, soit en deçà des prévisions gouvernementales (1,75 %). Quant à l’année 2012, elle démarrera sans élan, c’est-à-dire avec… 0 % d’acquis de croissance. En outre, selon une étude parue jeudi du cabinet Ernst & Young, « malgré les réformes annoncées le 9 décembre (à l’issue du sommet européen), les modalités d’application de l’accord restent peu clairs entretenant les incertitudes à court terme (…) ». Il faut noter que l’INSEE est un organisme d’Etat et qu’en tant que tel, cet organisme témoigne d’un certain courage politique en énonçant ces chiffres et il compense en étant toujours optimiste sur les prévisions à plus long terme. L’hypothèse d’une reprise au printemps est d’un optimisme exagéré. Parce que justement il y a le contexte européen qui pénalise toute reprise.

Car ce scénario n’est pas seulement français, mais aussi européen. La zone euro affichera en effet un recul du PIB de 0,3 % au quatrième trimestre 2011 et 0,1 % au premier trimestre 2012 et bénéficiera à la fin de l’année d’un acquis de croissance pour 2012 inexistant (0,1 %). La dégradation de la conjoncture s’ancre dans les turbulences survenues sur les marchés financiers cet été, rappelle l’Insee. Depuis juin, la prime de risque sur le marché interbancaire (garantie exigée entre banques pour se financer mutuellement à l’horizon de trois ans) grimpe, de même que les écarts des taux d’intérêt des obligations à 10 ans des grands pays de la zone se creusent (presque 6 % pour l’Espagne et l’Italie, 2 % pour l’Allemagne). Voici bien longtemps que les banques françaises européennes ont du mal à emprunter et ce sont les États dont la France qui n’ont cessé de "nationaliser" leurs dettes et ce en étouffant la consommation, l’emploi, qui désormais sont asphyxiés et nous avec. Comme je l’avais noté en décrivant les errances des marchés boursiers, ceux-ci connaissaient des moments de bonheur spéculatif à la veille de chaque sommet européen où il était organisé un nouvel apport aux banques et de nouvelles méthodes d’endettement sans douleur à leur profit. En outre les marchés trouvaient encore un débouché dans les entreprises qui paraissaient bénéficier de cet appel d’air, mais la double tension entre asphyxie bancaire et montée du crédit des obligations d’Etat ont fini par aboutir au resserrement du crédit aux entreprises à partir du troisième trimestre, estime l’Insee. L’annonce des plans d’austérité, destiné à rassurer le marché des obligations pour continuer à sauver les banques, a provoqué comme prévu « un choc de confiance » sur les ménages et les entrepreneurs. En France, « les moteurs de la reprise française se sont grippés cet automne », résume Sandrine Duchêne, à l’Insee. C’est le cas notamment de l’investissement des entreprises, qui cale. Le marché du travail va, quant à lui, recommencer à détruire des emplois, pour un taux de chômage qui atteindra 9,6 % à la mi-2012, et la barre symbolique des 10 % si l’on inclut l’outre-mer. Quant à la demande extérieure, elle soutiendra peu l’activité, avec un recul des exportations de 0,5 % au quatrième trimestre. Toujours dans sa note de conjoncture publiée jeudi soir, l’institut de la statistique estime en outre que le chômage, à 9,3% de la population active en métropole, pourrait atteindre 9,6% à cette date et franchir le seuil de 10% sur la totalité du territoire.

Cette détérioration de l’emploi conjuguée à une nette baisse de l’inflation en 2012 (1,4 % prévu en juin 2012, après 2,5 % le mois dernier) va tirer les salaires vers le bas, malgré la revalorisation annoncée du Smic. Le pouvoir d’achat global de la population est ainsi annoncé en baisse de 0,1 % au premier semestre 2011. Dans ce contexte, la consommation sera faible, de + 0,1 % par trimestre d’ici à mi-2012, et le taux d’épargne, élevé, à 16,7 %. Conséquence, le chômage devrait se maintenir à un niveau élevé, et ne devrait pas descendre sous les 10 % avant 2015 pour la zone euro, selon Ernst & Young.

Une bouffée d’oxygène viendra cependant du Japon et des États-Unis à partir de l’été 2012, annonce l’Insee. Le premier se reconstruit après le séisme de mars tandis que le second « fait preuve de résilience ». Un rebond qui profitera à l’Allemagne et à la France, mais qui sera insuffisant pour tirer l’Italie et l’Espagne de la récession. Mais là encore nous sommes dans une prévision trop optimiste, d’abord parce que “le couple” franco-allemand continuera à ne pas en être un et la France sera aspirée dans le trou noir, ce qui à terme rejaillira sur l’Allemagne. Les États-Unis et le Japon qui bénéficient d’une certaine autonomie monétaire ne connaissent pas de reprise mais une croissance poussive que la situation de la zone euro entraîne vers la récession ; même la Chine qui accélère le développement de son marché intérieur, des relations sud-sud en particulier avec l’Asie, est menacée par la chute de l’Europe. Surtout si l’on considère que les États-Unis tentent de bénéficier de la relative santé de l’Asie pour s’y accrocher (voir les nouvelles relations avec la Birmanie et la tentative d’intervention systématique des États-Unis dans la zone pacifique).

La nécessité d’une perspective politique de rupture

La distance entre la nature des périls et ce à quoi tout paraît subordonné en France, l’élection présidentielle, paraît si énorme que cela donne au bal des prétendants un aspect ubuesque… Comme toujours il y a des images qui résument la dérision de la situation, celle de l’entassement indistinct des incapables… Le nombre des candidatures qui désigne à la fois la vanité de chacun d’entre eux mais aussi la nécessité du changement urgent de système, on finit par rêver que ce soient tous les citoyens qui se déclarent candidat parce que la crise est économique, financière, culturelle et politique. Les institutions, les représentations, le vivre ensemble se fissurent et l’ébranlement accroît son intensité. Nous sommes entrés en récession et le printemps risque d’être pire que l’hiver, si nous continuons à nous cacher la tête dans le sable en croyant que les présidentielles présentent une solution.

On ne peut en attendre qu’une chose, battre Nicolas Sarkozy, mais cette entreprise de salubrité publique devrait refuser tout état de grâce, y compris durant le temps du partage des portefeuilles ministériels et déboucher le plus rapidement possible sur un grand mouvement populaire parce qu’il faut affirmer : plutôt le Front populaire qu’Hitler…

Encore faut-il que ce Front populaire soit clair sur le fondamental : le refus de l’austérité, la nationalisation du secteur bancaire avec contrôle parlementaire et populaire, refus d’honorer la dette, dénonciation de l’euro, retour à une Banque de France capable d’avoir une politique monétaire indépendante et dénonciation de l’OTAN, du bellicisme, remise en cause du nucléaire militaire et refondation d’un service public orienté vers les besoins des citoyens avec une volonté de démocratisation, pour et par le peuple.

Danielle Bleitrach

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