Une étude de cas : la couverture de la grève de Yue Yuen (Chine) en avril 2014
Internet et le difficile croisement de sources médiatiques fiables

, par  Hervé Fuyet , popularité : 3%

Internet et la vérification des sources

Avec Internet, les sources des journalistes se multiplient, mais vérifier la fiabilité des sources d’information est souvent difficile (Alain Joannès, « Comment valider les sources d’information sur le web ? », Professeur Joannès, INA, octobre 2012 [1]). Toutefois, Internet peut faire partie de la solution plus qu’il ne fait partie du problème. Pour valider cette hypothèse, faisons une étude de cas. Choisissons, par exemple, la couverture médiatique de la grève de Yue Yuen à Dongguan (Chine) qui a eu lieu en avril 2014 comme sujet d’étude. L’originalité de cette approche tient à ce qu’il s’agit d’initier cette étude de cas en souhaitant qu’elle soit enrichie et approfondie par les recherches et les commentaires de lecteurs, un peu comme on peut enrichir un article de Wikipedia. Si vous souhaitez contribuer à l’enrichissement de cet article collaboratif, envoyez votre contribution par mail à l’adresse suivante : fuyet@humaniteinenglish.com ou hervacacia@gmail.com avec comme sujet : « Couverture médiatique de la grève de Yue Yuen (avril 2014) ». Ces contributions pourront être utilisées ultérieurement dans une étude plus vaste du sujet en citant les contributeurs s’ils le désirent. Le fondement de cet article collaboratif, dans sa forme actuelle, est lui-même déjà la synthèse de contributions provenant de Chine, des États-Unis et de la France.

Le China Labour Bulletin (CLB), le China Labor Watch (CLW) : monopoles médiatiques sur la Chine

Dans la plupart des journaux "occidentaux", deux sources d’information dominent clairement la couverture médiatique de la grève de Yue Yuen ; il s’agit du China Labour Bulletin (CLB) et du China Labour Watch (CLW). Parallèlement, les agences de presse et les syndicats chinois officiels, les enquêtes de terrains issues de sources autres que le CLB ou le CLW, etc. sont presque systématiquement ignorés, écartés ou exclus.

Faisons d’abord un petit recensement de la couverture de la grève de Yue Yuen dans divers journaux francophones ou anglophones.

Le Figaro, un quotidien de droite français, cite « L’organisation China Labor Watch, spécialisée dans les mouvements sociaux du secteur industriel chinois... » qui lui aurait fourni une vidéo montrant les ouvriers de Dongguan en grève (« Nike, Adidas, Puma : grève géante en Chine », Le Figaro, 17 avril 2014 [2]).

Le quotidien français Le Monde écrit que « M. Liu trouve par ailleurs peu crédibles les déclarations de responsables du syndicat officiel, le seul toléré par l’État-parti en Chine, s’engageant à l’avenir à défendre la cause ouvrière. Selon China Labor Watch, plusieurs grévistes ont été incarcérés temporairement vendredi dernier, notamment pour avoir osé prendre des photos » (Harold Thibault, « Grève massive chez un fournisseur chinois de Nike et Adidas », Le Monde, 22 avril 2014 [3]).

Pour Le Parisien, autre quotidien français à fort tirage « L’ONG China Labor Watch, spécialisée dans les mouvements sociaux du secteur industriel chinois, a diffusé une série de photos montrant le déploiement de centaines de policiers autour de l’usine, certains équipés de matériel anti-émeute et d’autres tenant en laisse des bergers allemands ». Cet article mentionne aussi que « ’’Les travailleurs poursuivent leur grève, et leur nombre a sans douté augmenté’’, a commenté Dong Lin, membre d’une association de défense des droits, basée à Shenzhen et proche des ouvriers ». L’article souligne ce qu’il appelle « l’absence d’organisations syndicales indépendantes » (« Chine : grève de 30 000 ouvriers travaillant pour Nike et Adidas », Le Parisien, 16 avril 2014 [4]).

En regardant du côté de la presse spécialisée, nous trouvons dans la revue économique Challenges, « En effet selon China Labor Watch, une ONG chinoise qui suit les grévistes depuis les débuts de l’événement, la marque aux trois bandes aurait impulsé le déplacement de la fabrication de ses chaussures des usines du Dongguan vers un autre site basé dans la province du Fujian » (Pierre-Eliott Buet, « Cette grève en Chine qui menace Adidas, Nike et Reebok », Challenges, 23 avril 2014) [5]).

Dans la presse anglophone, le New York Times écrit que « ’’Les travailleurs chinois ont maintenant un plus grand pouvoir de négociation, et ils savent comment utiliser ce pouvoir ", a déclaré Geoffrey Crothall, directeur de la communication du ’’China Labor Bulletin’’, un groupe de défense basé à Hong Kong... Les syndicats indépendants sont illégaux en Chine, et les syndicats soutenus par le gouvernement sont plus intéressés à désamorcer rapidement les conflits de travail qu’à satisfaire les griefs des travailleurs » (« New York Times Plying Social Media... », 2 mai 2014, [6]).

Curieusement, dans une partie de la presse "de gauche", nous trouvons parfois aussi l’utilisation exclusive des mêmes sources. Par exemple, l’on trouve dans la publication "Solidarité Internationale PCF" que :

« Toujours, selon le China Labour Bulletin, un tiers des grèves dans le secteur industriel ont trait au paiement d’arriérés de salaire, un quart au maintien d’emplois et à l’obtention d’indemnités en cas de plan social – ce qui révèle l’ampleur du phénomène de fermeture/relocalisation d’usines en Chine – et moins d’un dixième portent spécifiquement sur des hausses de salaire » (AC, « Grève massive en Chine : 40.000 ouvriers paralysent la plus grande usine de chaussures au monde, fournisseur d’Adidas et Nike », Solidarité Internationale PCF, 17 avril 2014 [7]).

L’article suivant du journal L’Humanité laisse malheureusement lui aussi à désirer en ce qui concerne, entre autres, les sources. En effet, la seule source de ce bref article de Pierric Marissal, y compris de la vidéo, n’est nul autre que le China Labor Watch (Pierric Marissal, « Grève dans la plus grande usine de chaussures du monde », L’Humanité, 19 avril 2014) [8]).

L’article suivant semble un bon exemple d’une couverture médiatique particulièrement biaisée. Le Figaro relate la fin de la grève de la façon suivante (cela se passe de commentaire !) :

« Les 40.000 ouvriers chinois de Yue Yuen en grève depuis le 14 avril ont été sommés vendredi de reprendre le travail. Le ministère du Travail a annoncé avoir donné l’ordre au sous-traitant de Nike, Adidas ou encore Converse de verser les arriérés de cotisations dues aux employés, leur principale revendication. Mais l’ONG China Labour Bulletin qui milite pour les droits des travailleurs, affirme que les ouvriers ont été forcés d’accepter ces concessions, dont ils n’ont aucune assurance qu’elles seront effectivement respectées. La police et plusieurs brigades de milices s’étaient postées dans les locaux de Yue Yuen pour empêcher toute nouvelle manifestation » (« Chine : fin forcée de la grève géante », Le Figaro, 26 avril 2014 [9]).

Nous trouvons par contre une couverture médiatique plus équilibrée dans le journal La Presse, un quotidien québécois à grand tirage :

« Le mouvement social dans l’usine Yue Yuen - la plus grande au monde dans son domaine, selon sa direction - a éclaté début avril et pris la forme d’une grève depuis le 14 du mois, rassemblant des dizaines de milliers de travailleurs et déclenchant un imposant déploiement des forces de l’ordre. Les ouvrières - la main-d’oeuvre est très majoritairement féminine - se plaignent de leurs salaires, de contrats d’embauche lacunaires et de carences dans leur couverture sociale. Sur ce dernier point, elles ont raison de le faire, a conclu une enquête officielle. ’’Selon nos premières investigations, l’usine Yue Yuen de la ville méridionale de Dongguan est fautive de ne pas verser les paiements de sécurité sociale’’, a déclaré lors d’une conférence de presse à Pékin Li Zhong, un porte-parole du ministère chinois des Ressources humaines et de la Sécurité sociale. Les autorités ont donc donné pour instruction à la direction de l’usine, qui produit notamment des chaussures Nike et Adidas, de ’’rectifier selon la loi’’ les versements à effectuer. L’organisation China Labor Watch, spécialisée dans les mouvements sociaux du secteur manufacturier chinois, a affirmé que du matériel servant à confectionner des chaussures Adidas était actuellement déménagé hors de l’usine pour être transféré vers d’autres usines de la région. ’’China Labor Watch exhorte Adidas à revenir sur sa décision de sortir de l’usine Yue Yuen et à apporter son soutien à une solution équitable entre Yue Yuen et ses employés’’, a indiqué l’ONG dans un communiqué » (AFP, « La Chine exige de la direction d’une usine la fin d’une grève prolongée », La Presse, 25 avril 2014 [10].

On voit que le quotidien montréalais La Presse cite lui aussi le China Labor Watch, mais au moins pas en excluant les sources syndicales ou gouvernementales chinoises. Toutefois, peut-on dire que le China Labour Bulletin et le China Labor Watch sont des sources fiables ? Est-il éthique, d’un point de vue journalistique d’utiliser le China Labour Bulletin ou le China Labor Watch (et toutes les ONG ou tous les sites pseudo-universitaires similaires qui se multiplient) comme sources fiables ?

La vraie nature du China Labour Bulletin et du China Labor Watch

Voyons maintenant quelle est la nature de ces deux sources médiatiques et l’origine de leur financement.

Le China Labour Bulletin a un site web très bien fait et très instructif :
China Labour Bulletin (China Labour Bulletin (CLB) [11]).

Dans ce site, nous apprenons que « les activités du CLB sont financées par des subventions provenant d’un large éventail de fondations, d’organismes publics et privés et de syndicats ».

A titre d’exemple, l’on peut trouver sur Internet certaines des organisations qui financent CLB telle que la Sigrid Rausing Trust (SRT). En effet, sur son site il est dit que le

« SRT finance le China Labour Bulletin depuis 2002.

Le total des fonds reçus à ce jour : £ 1,872,000 ;

Subvention actuelle : £ 125 000 sur 1 an ;

Début de la subvention actuelle : 1er Novembre 2012 »

(Sigrid Rausing Trust, « China Labour Bulletin », [12]).

Ce trust, fondé en 1995 par Sigrid Rausing, déclare sur son site web être politiquement non partisan et avoir pour objectif la défense des droits humains dans les sociétés répressives. En 1993-1994, Sigrid Rausing aurait vécu sur une ferme collective en Estonie en préparant son doctorat d’anthropologie sociale au University College de Londres.

Un autre trustee membre du Sigrid Rausing Trust, Jonathan Cooper, a élaboré, entre autres, des programmes de formation anti-terrorisme et de défense des droits humains dans les Balkans et en Asie Centrale, etc.

Le National Endowment for Democracy (NED), dont la nature n’est pas un secret, est une autre source majeure de financement du CLB.

« ’’Beaucoup de ce que nous faisons aujourd’hui a été fait secrètement par la CIA pendant 25 ans’’, a dit Allen Weinstein, l’un des fondateurs du National Endowment for Democracy, dans un article publié en 1991 par The Washington Post. Créé au début des années 80, le NED ’’est gouverné par une équipe de direction indépendante, non partisane’’. Son objectif est d’appuyer des organisations favorables à la démocratie dans le monde. Cependant, historiquement, son agenda a été défini par les objectifs de la politique extérieure de Washington » (Jeremy Bigwood, « Comment les États-Unis financent des organes de la presse mondiale pour acheter une influence médiatique », Investig’Action, 17 juin 2008 [13].

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Incidemment, la NED va jusqu’à financer une radio anti-cubaine en plein centre de la France !

« C’est à la demande de la Fondation nationale pour la démocratie (NED) - une des vitrines légales de la CIA ayant officiellement pour objectif l’aide aux oppositions des "gouvernement non amis" - que TPG Capital a obtenu de TDF l’ouverture d’un faisceau en direction de Cuba. TDF est donc devenu un outil technique de la CIA en direction de Cuba et l’on se demande si le ’’service’’ ne s’étend pas à d’autres régions du monde » (José Fort, « TDF instrument de la CIA sans le savoir », L’Humanité, 15 mai 2014 [14].

Les salariés, les bénévoles et les dirigeants du China Labor Bulletin (CLB)

Le CLB déclare sur son site avoir 15 salariés à plein temps à son local sur l’île chinoise de Honkong, incluant des avocats, des syndicalistes, des spécialistes de la communication, etc. Il reste discret sur le nombre de salariés en Chine continentale. En ce qui concerne les bénévoles, le CLB recrute activement, un peu à la façon des sites d’extrême droite ou "djihadistes" en France (CLB [15]).

Le CLB travaille ensuite à constituer des chaînes de communication avec WeChat (WeChat [16]), un merveilleux petit moyen de communication utilisable même en France. Dommage que CLB l’utilise pour une mauvaise cause !

Dans cet article, l’on se limitera à examiner le cas de Geoffrey Crothall et de Han Dongfang.

Geoffrey Crothall a obtenu en 1997 une maîtrise en "Propagande et Histoire" (cela ne s’invente pas !) de l’University of Kent. Il est directeur des communications pour le CLB.

La Chine est bien entendu au courant de la véritable nature du CLB et de Geoffrey Crothall. Ainsi, elle s’est opposée à ce que Geoffrey Crothall donne une conférence de presse au Club des Correspondants étrangers en Chine en 2011. Selon ce Club, le Ministère chinois des Affaires étrangères aurait indiqué que « son organisation est hostile à la Chine et ’’prône le développement de syndicats soi-disant indépendants’’ représentant une menace au développement économique stable de la Chine ». (Foreign Correspondents Club of China, « Why China Labour Bulletin’s Geoffrey Crothall will not be speaking to the FCCC », 20 Septembre 2011. [17]).

Notons au passage que, sans doute par inadvertance, Lina Sankari, journaliste à L’Humanité cite en septembre 2012, Geoffrey Crothall comme source fiable dans son article sur la grève de Foxconn... (Lina Sankari, « Une révolte à la Spartacus chez Foxconn », L’Humanité, 26 septembre 2012. [18]).

Voyons maintenant le cas emblématique de Han Donfang, en citant l’article que lui consacre le National Endowment for Democracy (que nous avons précédemment identifié comme fondation écran de la CIA) qui lui a décerné en 1993 le « Prix de la Démocatie ». Dans cet article, Han Dongfang, ouvrier des chemins de fer de 29 ans (en 1993) est présenté comme le principal dirigeant dissident du mouvement ouvrier en Chine, parfois surnommé le Lech Walesa de la Chine ! Toujours selon l’article du NED/CIA, il est le fondateur de la "Fédération Autonome des Travailleurs de Pékin" et a dirigé la participation de ce "syndicat" à la manifestation "pro-démocratique" de Tiananmen en 1989... Condamné à la prison pour ses activités illégales, il aurait finalement été libéré grâce « aux efforts intenses de l’AFL-CIO et d’autres organisations syndicales ou de défense des droits humains, du gouvernement et du Congrès des États-Unis. Il aurait prédit dans une conférence de presse donnée à Hong Kong que la Chine serait forcée un jour d’admettre les "syndicats libres" »... ("Han Dongfang", National Endowment for Democracy Democracy-award/1993 [19]).

Le texte de la NED/CIA se passe de commentaires ! Rien de tel que de se pencher directement sur les sources elles-mêmes. Comme la situation de la Chine populaire est très différente de celle de la Pologne du temps du syndicat "libre" Solidarnosc et de son dirigeant Lech Walesa, il est peu probable et peu souhaitable que la prédiction du "Lech Walesa chinois" se réalise.

L’autre source qui est souvent cité par les médias "occidentaux" est le China Labor Watch (China Labor Watch [20]). Sa tactique est similaire à celle du CLB. Le CLW se définit comme une ONG indépendante, militant à partir de New York et aussi à Shenzhen pour les « droits des ouvriers chinois ». Qu’il s’agisse de « recrutement de volontaires », de « formation des formateurs », de financement, etc., on dirait le frère jumeau du CLB ! Une visite au site vous convaincra (China Labor Watch, "About us" [21]).

Boycottons les sources médiatiques liées, par ONG interposées, à la CIA et croisons des sources fiables pour rédiger nos articles.

Le bon sens voudrait que la presse progressiste boycotte et fasse la promotion du boycott des sources liées directement ou indirectement à la CIA, tels que le China Labour Bulletin, le China Labor Watch, sans parler de Reporters sans frontières (Reporters sans frontières [22]) dont la réputation en France n’est plus à faire depuis que son ex-dirigeant, Robert Ménard, est devenu un élu soutenu par le Front National à Béziers.

Évidemment, il faut commencer par balayer devant sa porte ! Ainsi on peut trouver parfois, même dans notre quotidien L’Humanité (proche du Parti Communiste Français), des passages vraiment surprenants... Un des pires est cette recension bienveillante d’un livre publié en France précisément sur Han Dongfang dont il a été question plus haut. Dans cet article paru dans L’Humanité, la CIA par le biais du NED qui finance le CLB dont le fondateur est Han Dongfang, affirme qu’« en Chine émerge une vraie conscience de classe » et cela repris sous la plume de Dominique Bari en guise de titre (Dominique Bari, « En Chine émerge une vraie conscience de classe », L’Humanité, 27 Janvier 2014 [23]).

Dans cet article, Dominique Bari, qui écrit aussi par ailleurs de forts bons articles, cite cependant avec approbation une évaluation de Han Dongfang : « Il vit aujourd’hui à Hong Kong où il a fondé le China Labour Bulletin, une source incontournable pour prendre le pouls des revendications ouvrières en Chine ». Et plus loin, Han Dongfang est directement cité : « Je le dis aux ouvriers : ’’Si le Parti communiste quittait le pouvoir, votre vie serait la même et vous seriez exploités de la même manière, par le même patron, qui serait alors soutenu par des officiels différents’’. L’autonomie et la liberté à l’égard du Parti sont nécessaires ».

Les camarades de la CGT en France savent bien que la droite considère la CGT comme prisonnier du PCF ; ils connaissent la chanson !

Une solution collaborative au problème ?

Il n’est pas difficile de constater l’omniprésence du China Labour Bulletin, du China Labor Watch et d’autres "ONG" apparentées, excluant presque complètement d’autres sources dans la couverture médiatique de la presse anglophone et francophone. Pour compléter ce tableau dans la presse en espagnol, en russe ou en d’autres langues, nous aimerions avoir l’aide de nos lecteurs (qui peuvent écrire sur ce sujet par mail à hervacacia@gmail.com).

La recherche de sources autres que celle imposées par les médias « occidentaux ».

Pour en revenir à la grève de Yue Yuen de 2014, une source chinoise comme le texte de l’agence de presse officielle Xinhua ci-dessous aurait pu être mentionnée :

« Les employés d’une usine de chaussures au Guangdong ont repris le travail après s’être mis en grève pour réclamer leurs prestations sociales, selon un communiqué de l’usine publiée lundi.

La Yue Yuen Industrial (Holdings) Ltd., usine de chaussures basée à Dongguan qui produit pour des grandes marques telles que Nike, Adidas et Timberland, est parvenue à un accord avec les grévistes, indique le communiqué. Lundi, plus de 99% des 45.000 ouvriers avaient repris le travail. L’usine a accepté de rattraper toutes les prestations sociales et de payer une allocation de vie de 230 yuans (37 dollars) par mois à chaque employé à partir du 1er mai. La grève a commencé le 5 avril, lorsque 600 ouvriers de l’usine sont descendus dans la rue pour réclamer le paiement intégral de leur assurance sociale et allocation de logement. Après que les négociations avec la direction de l’usine ont échoué, davantage d’ouvriers se sont mis en grève le 14 avril » (« L’usine de chaussures en grève au Guangdong reprend la production », Xinhuanet, 28 avril 2014. [24]).

Il n’est pas facile de faire le tri des sources, car le Net en "Occident" place en premier les innombrables sources secondaires sur la grève de Yue Yuen, toutes basées sur les sources primaires de CLB et CLW, écrans de la CIA. En ce qui concerne la grève à Yue Yuen, toutes ces sources expliquent le soutien des syndicats chinois et du CPC aux grévistes de Yue Yuen de curieuse façon. Ce serait pour renforcer de façon opportuniste le pouvoir du Parti communiste et accessoirement améliorer le pouvoir d’achat des Chinois pour augmenter la demande intérieure en biens de consommation. En fait cette critique est une sorte de compliment forcé !

Avec un peu de patience et de prudence on arrive cependant à éviter les pièges de la CIA et les sources chinoises avec version en français sont de plus en plus nombreuses aussi et variées :
Xinhua (Agence de presse chinoise officielle [25]), Renmin Ribao/Le Quotidien du Peuple (Organe du comité central du PCC [26]), CCTV (Télévision nationale chinoise [27]), Radio Chine Internationale [28]), etc.

On peut ensuite croiser ces sources avec des reportages de journalistes sur le terrain qui s’expriment bien en chinois, ou si le journal n’en a pas les moyens, en consultant diverses agences de presse chinoises, russes, cubaines, etc. (dans leur version françaises).

En fait, tout cela est un peu une question d’attitude vis-à-vis de la Chine populaire et vis-à-vis du socialisme aux caractéristiques de la Chine. L’attitude de l’impérialisme états-unien et de sa "succursale", l’Union Européenne, est bien entendu hostile. Pour eux, la Chine joue le rôle, à sa façon, que jouait l’Union Soviétique avant sa défaite avec Gorbatchev.

Pour les partis eurocommunistes comme le PCF et les organes de presse qui lui sont proches, la question est forcément complexe. En effet, le mouvement communiste international se porte bien, qu’il s’agisse de partis communiste au pouvoir comme en Chine, à Cuba, au Vietnam, au Laos, en Afrique du Sud, ou dans l’opposition comme en Russie, en Grèce, au Portugal, etc.

Par contre, selon de nombreux sondages fiables, Gorbatchev est honni en Russie, parce qu’il est tenu responsable de la défaite de l’Union Soviétique et les partis eurocommunistes déclinent ou ont disparu comme le Parti communiste italien.

Les courants majoritaires de la direction du PCF n’ont pas encore fait le « bilan globalement très négatif de l’eurocommunisme » pourtant de plus en plus évident pour de très nombreux dirigeants et membres de la base. L’eurocommunisme du PCF, en critiquant de façon destructrice le socialisme réellement existant du temps de l’URSS, pensait pouvoir s’allier plus facilement avec les socialistes en France et affaiblir l’hostilité des USA à leur égard comme le montre à partir des archives le livre "Le péril rouge. Washington face à l’eurocommunisme" de Frédéric Heurtebize (Frédéric Heurtebize, "Le péril rouge, Washington face à l’eurocommunisme", Presses Universitaires de France (Puf), 2014 [29]). Le déclin du PCF montre que cette tactique s’est retournée contre lui. Souhaitons que le PCF ne récidive pas en adoptant une attitude hostile au socialisme réellement existant en Chine. Cela risquerait d’accroître ses divisions internes et d’accélérer son déclin.

On comprend dans ces conditions la difficulté éprouvée par le PCF et L’Humanité pour adopter une attitude claire vis-à-vis de la Chine populaire. Heureusement, à la base et dans diverses sections du PCF, on veut savoir et aller aux sources. On peut par exemple signaler une belle initiative prise en 2013 par la section de Vénissieux qui a invité des camarades chinois pour y voir plus clair. Les questions syndicales et politiques ont fait l’objet d’échanges fraternels et approfondis, sans "langue de bois".

Ci-dessous, un passage de la revue trimestrielle du Réseau "Faire vivre et Renforcer le PCF" (numéro 2) (Unir les communistes (no.2), revue trimestrielle du Réseau "Faire vivre et Renforcer le PCF", 26 février 2014 [30]) :

« La section PCF de Vénissieux invite communistes et progressistes dans le respect des opinions et des expériences de chacun, mais sans se cacher derrière des artifices (médiatiques). Ce n’est pas "la gauche" qui unit les peuples, mais bien la fraternité, l’internationalisme, la franchise dans les discussions, à partir d’une certitude, ce sont les intérêts des peuples qui nous guident (...).

La venue d’une délégation du Parti communiste chinois a été beaucoup discutée. La préparation avec des syndicalistes d’entreprises a été difficile à organiser. Plusieurs militants ne voulaient pas rencontrer dans ce cadre un représentant de leur principal actionnaire. Le débat sur la nature du pouvoir du PCC en Chine, sur la place du capitalisme, sur les luttes de classe qui s’y déroulent a été vif. Mais cette discussion a permis d’apprendre beaucoup sur ces questions. Les interventions des chinois et le débat sont une richesse pour ceux qui ne veulent pas en rester au discours dominant sur la Chine, ni aux analyses d’autres forces politiques. Nous considérons que personne n’a de leçon à donner aux communistes chinois ! Ils dirigent un immense pays et font progresser les conditions de vie du peuple en jouant un rôle positif dans le refus des guerres.

Nous sommes inquiets de la montée de la bourgeoisie, d’une intégration dans la mondialisation qui pourrait donner la main aux mêmes oligarchies qui nous dominent. Mais nous faisons le choix de faire confiance au peuple chinois, aux communistes chinois, dont il faut connaître les luttes. Car visiblement, les leçons de l’effondrement soviétique sont connues et la classe ouvrière chinoise fait la dure expérience du capitalisme. Elle n’a pas d’illusion sur les objectifs des chambres de commerce occidentales qui ont contesté la dernière loi sur le contrat de travail qui rend le CDI obligatoire après deux CDD après les grèves de 2010 dans l’automobile. Les communistes chinois ont montré leur volonté d’un vrai échange, sans esquiver de question, comme celle sur la possibilité pour un dirigeant communiste de s’enrichir dans une activité privée. La réponse est claire, "oui c’est possible, mais c’est contrôlé, car l’enrichissement personnel n’a de sens que s’il traduit une activité bénéfique pour la société, pour l’intérêt général, sinon, les sanctions doivent être fortes". Nous devons faire un effort de découverte de la Chine, comme notre camarade inspecteur du travail retraité qui coopère avec les organismes équivalents en développement en Chine. Ces rencontres ont été une étape importante qui aura des suites. »

A cette réunion, plusieurs ouvriers ont demandé des précisions sur la nature des syndicats chinois et sur le rôle qu’ils jouent dans un pays socialiste comme la Chine. L’échange a été fructueux et la section de Vénissieux du PCF a mis à la disposition de tous un texte fourni par les camarades chinois : « Le Développement du syndicalisme en Chine » Par Zhang Wencheng, Central Compilation and Translation Bureau (CCTB) à Beijing [31]).

Conclusion

Cette étude de cas de la grève de Yue Yuen en 2014 montre bien l’importance de croiser des sources médiatiques fiables, et en particulier de boycotter les sources liées à la CIA qui relèvent du "terrorisme médiatique". L’Humanité peut jouer un rôle d’avant-garde dans ce travail de militance qu’est la vérification des sources médiatiques. Un premier pas pourrait être le boycott des sources médiatiques indirectement financées par la CIA dans ses propres colonnes. On peut considérer que les lecteurs de L’Huma, ses journalistes, ses traducteurs et traductrices en anglais ou en russe, sont en droit d’exiger ce minimum. Cela permettrait au lectorat de L’Huma, entre autres, d’avoir petit-à-petit une compréhension moins déformée de la République populaire de Chine, ce qui me semble essentiel dans la dangereuse conjoncture actuelle.

Comme le dit bien le journal cubain Granma dans un article récent, la Chine « pourrait devenir cette année la première économie de la planète, selon des données d’agences de statistiques reconnues, ce qui serait un coup dur pour les États-Unis, englués pour le moment dans une récession sans issue.

Un panorama certainement complexe pour le président Barack Obama, qui pourrait entrer dans l’Histoire comme le précurseur de l’effondrement de "l’empire des USA", ou bien comme l’artisan d’une 3ème Guerre mondiale, dévastatrice pour l’Humanité. Une "hyène prise au piège" : c’est ce que sont sans aucun doute les États-Unis. Une "bête" extrêmement dangereuse… et pour la calmer, il faut des dompteurs intelligents et puissants, comme le sont en ce moment le duo Russie-Chine ». (Patricios Montesinos, « Les États-Unis : une "bête en cage" face à la perte croissante de son hégémonie », Granma, 15 mai 2014. [32]).

Par Hervé Fuyet, journaliste

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    Sur une musique de Hans Eisler, le requiem Lenin, écrit sur commande du PCUS pour le 20ème anniversaire de la mort de Illytch, mais jamais joué en URSS... avec un texte de Bertold Brecht, et des images d’hier et aujourd’hui de ces luttes de classes qui font l’histoire encore et toujours...

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    La déclaration complète

    Les résultats de la consultation des 16, 17 et 18 juin sont maintenant connus. Les enjeux sont importants et il nous faut donc les examiner pour en tirer les enseignements qui nous seront utiles pour l’avenir.

    Un peu plus d’un tiers des adhérents a participé à cette consultation, soit une participation en hausse par rapport aux précédents votes, dans un contexte de baisse des cotisants.
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  • (2016) 37eme congrès du PCF

    Texte nr 3, Unir les communistes, le défi renouvelé du PCF et son résumé.

    Signé par 626 communistes de 66 départements, dont 15 départements avec plus de 10 signataires, présenté au 37eme congrès du PCF comme base de discussion. Il a obtenu 3.755 voix à la consultation interne pour le choix de la base commune (sur 24.376 exprimés).