Grèce : chronique d’un épouvantable gâchis

, par  Guillaume Sayon , popularité : 1%

Décidément, me voilà encore une fois à contre-courant de mon parti. Quand de très nombreux camarades crient leur soulagement de voir un accord maintenant entériné entre la Grèce et l’Eurogroupe, je suis moi circonspect et je vois les derniers événements comme un épouvantable gâchis. Quand de nombreux camarades idolâtrent le génie tactique de Tsipras, je vois moi un homme honnête et courageux, mais qui refuse de prendre le risque d’aller jusqu’au bout de la démarche et de véritablement engager un processus capable d’extirper pour de bon la Grèce de cette prison miteuse de l’austérité. Au risque de me faire un poil provocateur, le réformisme ambiant qui condamne le parti à la survie depuis de trop longues années, éclate aux yeux de tous. Un parti, mon parti, qui ne croit plus dans le fond aux actes révolutionnaires. Mon parti qui préfère soutenir aveuglement une nouvelle formule de la social-démocratie, plus acceptable certes, moins sournoise c’est vrai, mais beaucoup trop sage pour espérer un changement réel qui aurait permis à la Grèce d’entrer dans une nouvelle ère. Les mots sont durs, insultants envers le parti communiste grec (KKE) à l’inverse. Je ne suis pas toujours d’accord avec son positionnement. Je ne soutiens pas toujours ses prises de décisions et ses stratégies. Mais on peut au moins avoir l’humilité de respecter nos camarades grecs, eux qui sont capables de soulever des foules impressionnantes et qui affichent depuis toujours une constance remarquable dans la juste critique du capitalisme. Contrairement aux postures hypocrites que l’on a pu entendre, le superbe résultat du référendum n’était pas un simple petit mandat populaire pour continuer les négociations et éviter absolument l’exclusion de la zone euro. C’est l’espoir d’un temps nouveau, du retour à une vie meilleure que les grecs ont exigé au travers de ce choix incontestable.

D’ailleurs les premières réactions de citoyens grecs sur les marchés, quelques heures après la signature de l’accord, sont claires. La tonalité est globalement celle-ci : nous avons le sentiment que rien ne va vraiment changer. Certains osent même : on se sent trahi par la gauche. Bref c’est assez largement la déception qui prévaut. J’ai aussi été frappé par ce texte de l’historien Panagiotis Grigoriou, qui a déjà signé des tribunes dans le Monde Diplomatique et qui tient depuis le début de la crise grecque un blog. Je le cite : « Mémorandum, alors troisième du genre (humain). La majorité Tsipriote a fait passer “son” texte à l’Assemblée, grâce au soutien des partis systémiques du trop vieux pays, ceux du ‘OUI’ et du 35%. Démocratie spoliée… sous le régime de l’authentique hétéronomie européiste. Dix-sept députés SYRIZA, dont le ministre de l’Énergie, Panagiótis Lafazánis, ont voté ‘NON’ ou ils se sont abstenus. Le gouvernement vacille sans tomber (pour l’instant), le pays, de nouveau suspendu sur la corde raide attend son sort, ou n’attend plus grand-chose, d’Eurogroupe en Eurogroupe. La rue grecque est sous le choc. “Voilà… c’était alors cela le ‘NON’ du peuple ? Quelle honte ! En plus, les mesures du mémorandum seront encore plus lourdes à supporter et payer. Tsípras est terminé… il a fait comme tous les autres salauds”, réaction de Maria employée supposée petite car paupérisée par… essence, samedi matin à Méthana, dans le Golfe Saronique. ».

Cependant, que prennent garde celles et ceux qui auraient l’audace discourtoise de remettre en cause Tsipras et sa manœuvre. On ne comprend forcément rien, on est forcément excessif, sans doute n’est-on pas vraiment Charlie. J’exagère, je provoque mais pour raison de salubrité publique. L’unanimisme de la pensée, une pensée décrétée bonne, légitime et qu’il faut donc suivre, devient ce processus qui cadenasse l’opinion, qui empêche de pouvoir nous écharper comme il le faudrait sur des sujets aussi cruciaux. Car je le dis très clairement, cet acte grec, n’est que le premier de la tragédie européenne. Autant se le dire sans détour, nous savons ce qui nous attend, nous français, dans les mois et années à venir car, à bien des égards, la situation est similaire. Et lorsque cela arrivera, en tant que militant communiste, je ne serais pas au premier rang pour applaudir la signature d’un accord inique qui condamne tout un peuple, mais à doses homéopathiques. Encore que l’homéopathie dans ce cas précis n’est peut-être pas forcément la meilleure des comparaisons. D’ici mercredi visiblement, différents projets de loi vont être déposés pour afficher une série de gages de bonne foi vis à vis des institutions européennes, avant de pouvoir toucher le moindre centime. Retraite à 67 ans, TVA à 23 %, 50 milliards d’euros de privatisations. En contre-partie un rééchelonnement de la dette (pas d’annulation partielle à l’ordre du jour) dont les modalités n’ont pas encore été fixées, et un plan d’aide européen de 82 milliards d’euros sur trois ans. On comprend donc que la soupe soit à ce point ragoutante pour une grande partie des grecs. L’austérité devient donc longue comme un jour sans pain. Voyons les choses en face, loin des discours de complaisance, même si l’objectif de rééchelonner la dette est atteint (bien qu’on ne connaisse pas encore la méthode), le problème de fond des grecs ne sera toujours pas réglé. Une monnaie qui tue tout espoir d’être à minima compétitif, des traités budgétaires européens qui empêcheront toute politique de relance… Bref aucun levier économique ou monétaire susceptible de redonner espoir en l’avenir. Il s’agit pourtant là du défi majeur qui attend la Grèce et son peuple. C’est cette responsabilité que Tsipras refuse d’endosser. C’est cette responsabilité que les dirigeants progressistes membres du PGE refusent d’affronter.

Il faudra pourtant bien un jour l’admettre, beaucoup sont obligés de défendre ardemment les derniers événements grecs parce qu’ils et elles refusent de reconnaître et d’accepter ce qui devient une évidence pour tout le monde : l’euro est un fardeau qui condamne l’essentiel de l’Europe, hormis l’Allemagne et ses pays ateliers de l’est, au cauchemar de l’austérité à perpétuité. La France aurait du, si elle avait un vrai gouvernement courageux et soucieux de l’intérêt du plus grand nombre, prendre la tête de cette bataille. Très vite, les pays de l’Europe du sud auraient rejoint la fronde et ainsi un rapport de force sérieux aurait pu voir le jour sur le vieux continent. Je suis aujourd’hui convaincu qu’il n’y a aucun avenir au sein de cet Union Européenne et au cœur d’un système monétaire qui n’est autre qu’une camisole de force pour la Grèce tout comme pour la France. Nous avons en quelque sorte un avenir commun avec la Grèce. Notre avenir est dans un partenariat étroit avec l’axe Sino-Russe. Notre avenir est dans un grand projet de co-développement avec le grand Maghreb. Notre avenir est dans un partenariat serré avec la Grèce, l’Italie, l’Espagne et le Portugal avec lesquels, pourquoi pas, nous pourrions aller vers l’établissement d’une monnaie commune et non unique ainsi que des accords douaniers pour contre-carrer le rouleau compresseur économique allemand. Nous devons être à l’avant garde d’un grand projet méditerranéen. Petite parenthèse, cela nous permettrait peut-être aussi de gérer avec beaucoup plus d’humanité, de courage et d’efficacité la problématique des migrants. Car l’Europe c’est aussi cela, une monstruosité technocratique où la dignité humaine ne pèse rien face aux modèles économiques orthodoxes dressés au rang de dogmes inviolables. Il nous faudra bien évidemment quitter l’OTAN et redevenir une puissance conciliatrice, à la pointe de la diplomatie. Voilà sans doute des pistes pour redéfinir nos orientations et nos batailles.

En tout cas, à titre personnel, ça n’est pas demain la veille que j’accepterais de marcher au pas sous une pluie d’élucubrations autoritaires de la bourgeoisie allemande, qui pour l’occasion ressort les casques à pointe comme le soulignait sans retenue la presse de référence outre-Rhin. Plus que jamais anti-impérialiste, plus que jamais communiste.

G.S

Voir en ligne : sur le blog de Guillaume Sayon (élu PCF Avion)

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