En Chine, on fait des TGV, et on continue à faire de la soie... par Bruno Guerard, ancien inspecteur du travail de Vénissieux

, par  Bruno Guerard , popularité : 2%

Je ne voudrais aborder que quelques aspects de l’immense question qui consiste à se demander pourquoi l’on fait des TGV et de la Soie, naturelle et artificielle en Chine par millions de mètres et pourquoi, en France, on fait encore des TGV mais plus de soie, ou pratiquement plus, ni naturelle, ni artificielle.

Je pointerai au passage les problèmes du Yuan faible, de l’Euro fort, ainsi que la question du programme industriel de l’État, de la question des politiques opposées, déflationnistes en Europe, inflationnistes en Chine.

Je vous recommanderai aussi un excellent chapitre d’introduction au nouveau Guide bleu fait par une personne connaissant très bien la Chine, correspondante du journal Le Point, Caroline Puel, en poste à Pékin depuis 10 ans.

J’évoquerai aussi :

- La résolution du dernier congrès du XVIIIe congrès du PCC, sur le rapport d’activité du XVIIe Comité central, datant de novembre 2012,
- Le rapport sur les 5 années du gouvernement Wen Jiabao présenté le 5 mars 2013 à l’assemblée populaire nationale,
- Le rapport sur l’exécution du budget 2012 et le projet de budget des instances centrales et locales pour 2013, les conclusions du Plénum de Xi Jinping d’octobre 2013,
- Les évolutions du SMIC en Chine
- Les articles sur les développements de la sécurité sociale en Chine parus dans la revue du COMTRASSEC de Bordeaux IV.

Enfin je mets aussi sur la table la Déclaration des Droits de l’Homme de 48, ses articles 22 et 35. On se demande pourquoi seuls les articles sur les droits fondamentaux, concernant les opinions sont à l’honneur et pourquoi les articles économiques sont si oubliés depuis 65 ans.

Ces articles prévoient les droits individuels économiques universels de l’homme : le droit à la Sécurité sociale, incluant les 4 branches de tout régime de sécurité sociale, la Maladie, la retraite, la famille et le chômage, comme une obligation de tous les états signataires et des institutions internationales. Aujourd’hui la Chine accomplit de grands pas pour en faire une partie essentielle des réformes entreprises.

1° La Chine aurait pu connaitre le sort de l’URSS

D’abord il faut dire en introduction de cette première partie de mon exposé que la Chine communiste aurait pu connaître le sort de l’URSS, avec des conséquences difficiles à imaginer, pour un peuple de 1,3 milliard, des conséquences qui auraient certainement été encore plus terribles, chaotiques et dramatiques. Mais le peuple chinois avait à sortir d’une humiliation terriblement mal vécue de la part des occidentaux et de la part du Japon. Il a pu reconnaitre qu’il devait à Mao Tse Toung de s’en être sorti.

Ensuite Deng Xiaoping avait su assez bien gérer la sortie de la Révolution culturelle pendant la première partie de sa carrière politique, de 1976 à 1991. Il a su aussi gérer, assez bien l’après chute du mur de Berlin et l’après chute de l’URSS au moment du départ de Gorbatchev.

En 1992, il lança au Peuple chinois le mot d’ordre « enrichissez-vous, faites des affaires mais pas de politique ».

Je reprends ici l’analyse de cette brillante analyste du Point, de Caroline Puel : « Les dirigeants ont observé avec effroi l’effondrement du bloc soviétique. Ils ont voulu éviter le même scénario. La population va répondre 5 sur 5 à cet appel. En quelques semaines, la Chine entière sort de son état de choc et se met au travail… » pour vingt ans de développement à deux chiffres, avec un immense envol du secteur privé, tout en gardant une planification d’État et un économie mixte, comportant un important secteur public.

Autre élément de son analyse, à partir des années 2009-2010, la Chine a vu son processus de développement se poursuivre, plus tôt que prévu, sans troubles sociaux, en se reportant sur son marché intérieur. Elle est alors perçue comme la nouvelle puissance émergente, et la nouvelle première puissance économique du monde, dépassant même les USA, en dynamisme et en économie réelle (bien évidemment, dans une telle comparaison, son PIB calculé en dollars est fictif, avec un PIB calculé en Yuan sous évalué à raison de 1 pour 10 par rapport au dollar). Mais en contrepartie, c’est là la force commerciale de la Chine que l’on observe sur le rapport à l’industrie de la soie, que je vous ai placé sur le diaporama. On y voit des tableaux en Yuan et des tableaux en dollars, dès qu’il s’agit du rapport au monde extérieur.

2° La Chine continue à fabriquer de la soie...

Je lis rapidement avec vous ce rapport sur les métiers de la soie que j’ai pu rapporter du Musée National de la Soie de HangZhou (capitale du Zhejiang, l’une des provinces les plus riches de Chine, 6,6 M d’ha, à 200 km de Shangaï, jouxtant Shaoxing, à 67 km, une autre ville de 4,3M d’ha). Hangzhou était un grand centre textile pour le tissage et la production de la soie naturelle et de la soie artificielle. Mais il y a eu délocalisation des usines du centre ville, il y a une vingtaine d’années, vers la province du Zhé Jiang et vers d’autres provinces.

La soie naturelle et la soie artificielle sont aujourd’hui un peu partout en Chine, comme le montre une photo d’une carte présentée par ce musée national de la soie de Hangzhou.

Selon le rapport 2012 :

— 12 000 tonnes de produits textiles, 817 M de mètres de tissus,
— dont 54 M de mètres de soie naturelle, en croissance de 117,6% sur l’année antérieure,
— 360 entreprises pour l’ensemble de la soie artificielle et naturelle et 80 entreprises pour la soie naturelle,
— Les régions travaillant la soie sont assez dispersées, depuis les provinces riches de l’Ouest jusqu’aux provinces plus centrales,
— Les exportations sont fortes en direction des USA, à hauteur de 58 M de dollars (même si en baisse de 9,3%), de l’Inde à hauteur de 34 M de dollars (en baisse de 13,4%),
— Mais en direction du Pakistan, une hausse de 31,7%, avec 211 M de dollars,
— Enfin en direction de l’Europe (Italie, 26 M de dollars, l’Allemagne, la France, 8 M de dollars, en baisse de 4,4 %).

Mais la conclusion du rapport demeure optimiste. Les demandes des marchés extérieurs et intérieurs sont en croissance en 2013. La crise économique est considérée comme passée pour la soie. Surtout grâce au marché intérieur qui a des capacités de croissance.

Ce qui me frappe en regardant les photos d’ateliers industriels qui vous sont montrés dans mon diaporama, c’est la capacité à adopter les meilleures technologies, même pour des productions traditionnelles et la soie naturelle.

On a un marché du cocon de gamme normale et un autre pour le cocon de qualité supérieure, avec des prix calculés en Yuan/tonne.

La Chine sait conserver et adapter les anciennes productions à ses consommations. On voit dans la rue, des femmes portant de petits gilets avec de la soie, aux couleurs et aux dessins voyants, de goût très chinois.

3° La Chine avance à grande vitesse pour ses TGV, ses métros...

Ce qui est le plus étonnant pour des occidentaux du XXIème siècle, en voyage à Hangzhou, c’est qu’un pays qui continue à être un grand pays textile, soit aussi un pays qui avance à grande vitesse pour ses TGV, ses métros.

L’image de cette ville de Hangzhou, centre mondial de l’exportation de la soie, c’est que vous y êtes allé en 2009, il n’y avait pas de métro, on y allait avec de vieux trains ou en avion. Vous y retournez en 2013 : il y a un TGV Chinois tout neuf, avec des gares pharaoniques, de véritables gares d’aéroport, une ville embouteillée en permanence et en même temps un grand centre de tourisme avec un lac qui était déjà touristique en 1050, sous les anciennes dynasties chinoises du Sud ! La première ligne de métro est en service depuis un an, et on construit la seconde ligne.

Nous sommes allés dans un village de 3.000 ha limitrophe de Shaoxing, ville elle-même limitrophe de Hangzhou, les 2 additionnant plus de 10 M d’ha. Nous y avons visité une usine faisant des chemises, 5.000 chemises par semaine, pour l’exportation, une ancienne usine d’État en métallurgie produisant des lampes de poche, fermée comme beaucoup d’usine d’État, reconvertie par une femme qui loge dans l’usine et fait travailler 100 personnes. On y travaille toute la semaine et même le samedi et le dimanche…

Ce pays est une véritable locomotive, bien lancée et qui n’a pas envie de s’arrêter. Aussi bien dans le dévidage des cocons ou dans le tissage de la soie que dans la fabrication des TGV et des métros.

Un pays qui depuis 2008 et la crise financière occidentale est probablement la première économie du monde, l’évaluation du Yuan ne permettant pas d’évaluer cette économie à sa juste mesure, avec un marché intérieur aussi actif que le marché extérieur. Avec un Yuan valant 1/10ème de dollar, il faudrait multiplier par 10 son PIB officiel.

4° La Chine met en place l’inspection du travail...

Je veux dire un mot des contacts obtenus avec l’inspection du travail chinoise et une prof de droit du travail et de la sécurité sociale, contacts qui étaient nos principaux buts de voyage.

La Chine a 22.000 inspecteurs du travail, avec 760 M de salariés, la France en a 2.500 environ, avec les contrôleurs effectuant le même travail que les inspecteurs, pour 18 millions de salariés. La chine représente 40 fois la France, pour le salariat mais elle contrôle l’application de son droit du travail, seulement au niveau de 10 fois la France. Il y a un différentiel de 10 à 40. Il y a encore à faire.

Le SMIC, les 40 h, y sont officiellement inscrits. La sécurité sociale est en grande période de lancement.

5° Très rapidement à la réflexion, deux ou trois textes que nos amis étudiants chinois nous ont permis de lire en français

- Les conclusions du 18° Congrès du PCC

Je note dans ce texte deux points seulement : Le souci de créer selon leurs termes une société de moyenne aisance.

Et l’absence de toute référence au capitalisme, soit pour le combattre, soit pour évoquer sa présence immense dans l’économie de marché en vigueur depuis les réformes de Deng Xiaoping.

- Et les rapports de bilan et d’exécution des budgets

Pour lequel je m’excuse d’être un peu technique...

Dans ces textes, je note un système de développement fondé sur :

- Une volonté de croissance forte du budget de l’État et non un discours de réduction permanente des dépenses de l’État comme en Europe. Avec un budget de dépenses de 12.571.225 milliards de Yuan, en hausse de 15,1% sur un an,
- Une volonté de déficit contrôlé permanent de 800 milliards de Yuan
- Une redistribution permanente importante des finances, des instances centrales vers les instances locales. Les instances centrales ne consomment que 29,25 % de leur budget et transfèrent vers les finances locales, 70,75% de leurs capacités budgétaires,
- Ce sont donc les collectivités territoriales qui orientent 70 % des dépenses publiques. Il faut dire que chacune de ces provinces a en fait les dimensions de nos états nationaux européens.

Un budget pour 2013, du fonds national des assurances sociales, combinant les instances centrales et locales estimé à 3282,88 milliards de Yuan, en augmentation de 9,9%, dont 2466,37 milliards de Yuan provenant des cotisations assises sur les salaires, et 718.031 milliards provenant de subventions des trésoreries publiques.

Ce qui permet de dire que l’équilibre financier est un système basé surtout sur les cotisations prélevées au niveau de l’entreprise, donc plus proche du système français, que du système anglais et des volontés de la Commission de Bruxelles.

Si l’on compare le budget de la Sécurité sociale, aux dépenses budgétaires centrales de l’État, c’est proche de la moitié : 3282,88 milliards de Yuan, au regard de 6414,83 Milliards de Yuan),

avec une couverture de l’assurance vieillesse (réalisée en 2012) de l’ensemble de la population urbaine et rurale âgée de 60 ans. Soit 130 millions de personnes (sur 1.3 milliards d’habitants) qui perçoivent désormais une pension mensuelle.

La banque mondiale se vante, grâce à sa politique de capitalisme néo-libéral, d’avoir fait reculer les chiffres de la population mondiale vivant dans des conditions d’extrême pauvreté. Mais cela est dû entièrement, en fait, aux réformes dont ont bénéficié les masses chinoises du fait des décisions de l’un des derniers et du plus grand régime socialiste de la planète et à ces récentes réformes de sécurité sociale, créées au contraire, par une volonté publique et politique bien déterminée d’accompagnement de la croissance.

En conclusion

Je termine sur deux interrogations, ou deux idées :

- 1° quel sera le pas suivant de la Chine dans son développement, après la réunion plénière du PCC de ce mois d’octobre 2013 ?

En me basant sur des infos tirées d’articles de presse, sur le nouveau programme de réformes du Plénum d’octobre 2013, qui devrait intéresser tout le monde, sous la direction du nouveau président Xi Jinping et de son premier ministre Li Keqiang, la Chine est comme un homme marchant, il faut faire toujours un nouveau pas pour garder son équilibre.

Réformer le marché, le mode de gouvernement et les entreprises

8 secteurs clé de restructurations : administrations, industries de base, propriété de la terre, finances (ouverture aux investissements privés), fiscalité : possibilités d’impositions locales, entreprises d’État (ouverture aux investissements privés, ex Zone franche de Shangaï, essai de convertibilité locale du Yuan pour des transactions financières, innovation technologique, marché des services, la sécurité sociale, plan anticorruption 2013-2018, pour permettre un plus grand contrôle des assemblées locales sur les gouvernements.

- 2° étant donné que dans la première partie de mon exposé j’ai parlé des seuils des droits de l’homme en Occident, influencés par les seuils technologiques, quel sera le pas suivant en matière de seuil des droits de l’homme, dans le monde ? Quand se fera-t-il ? les effets technologiques se conjugueront-ils avec des effets de seuils dimensionnels ? Appartenant au Comité d’honneur Ambroise Croizat, ce ministre qui fit démarrer, en France, au forceps, en 1946, en 12 mois, un système généralisé de sécurité sociale avec 3 branches, retraite, santé et allocations familiales, applicables immédiatement au 1er janvier 1947, les pensions, les remboursements et les allocations étant dus dès cette date à l’ensemble de la population salariée pour la retraite et la maladie et à la totalité de la population pour la branche famille.

Serait-il possible d’imaginer un plan Croizat de sécurité sociale universelle avec un lancement sur 20 ans, demandant la bagatelle de 1.000 milliards par an, l’équivalent de ce que l’on accorde en une nuit pour sauver les seules banques européennes ? Pour le moment la Chine est le bon élève parmi les BRICS. Elle nous montre que ce serait possible. Ce qui est possible à l’échelle de 1,3 Milliards d’hommes, pourquoi ne le serait-il pas à l’échelle de tous les BRICS qui représentent 3 milliards d’homme, soit la moitié des 6 milliards d’humains ? et ne serait-ce pas possible aussi à l’échelle des 6 milliards tous ensemble ?

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