Assises du communisme 2013
Affirmer le rôle de la Nation, contre la Mondialisation capitaliste - Fiche n°1 François Hollande après tout n’est pas pire que Guy Mollet.

, par  Jean-Claude Delaunay , popularité : 2%

Intervention aux Assises de Jean-Claude Delaunay le samedi 29 juin 2013 matin à propos de l’économie capitaliste aujourd’hui.

Bien que vous m’avez fait l’amitié de me demander de dire quelques mots d’introduction à cette discussion du samedi matin sur la crise, je ne vais pas en profiter pour faire un cours sur « la crise ».

D’abord la plupart d’entre vous, ceux des Fralib en premier lieu, mais aussi toutes celles et tous ceux qui luttent aux côtés des travailleurs malmenés dans ce pays par le grand Capital, connaissent ce sujet. Inutile d’en rajouter.

En même temps, je pense qu’on ne peut éviter d’en débattre et de confronter réflexions, observations, expériences et conclusions pour contribuer, si c’est possible, à l’unification des luttes. Aussi ai-je choisi de vous présenter 4 Fiches, orientées par le thème que je crois central pour expliquer la crise actuelle de la société française et pour la combattre : la mondialisation capitaliste. La mondialisation capitaliste, choisie par le grand capital comme solution à ses problèmes de rentabilité à la fin des années 1970, a entraîné l’économie française (et l’économie mondiale) dans la crise. Pour en sortir en fonction de leurs propres intérêts, ils accroissent encore la crise qu’ils ont engendrée. Le socialisme est bien la véritable issue à cette situation de plus en plus douloureuse et dégradée.

Ces quatre fiches ont un titre provocateur. Je souhaite montrer que l’élément faisant la différence entre la provocation propre à chacun de ces titres et la réalité sociale que nous, communistes, cherchons à comprendre pour la transformer, c’est la mondialisation capitaliste.

Finalement, je cherche à montrer que la mondialisation capitaliste devrait être, sur chacun des sujets concernés, le thème dont nous aurions à nous saisir pour convaincre de la nécessité du socialisme.

- Fiche n°1) François Hollande après tout n’est pas pire que Guy Mollet.

- Fiche n°2) Si on s’oppose à la mondialisation, on est comme le Front National.

- Fiche n° 3) Lutter contre la mondialisation, c’est être aussi réactionnaire que les « luddistes ».

- Fiche n°4) La nation n’est plus opérationnelle aujourd’hui.

Au moment où je mets ces notes au propre, je suis très en retard. Je vais donc seulement rédiger la fiche n°1 pour mettre immédiatement cette rédaction sur les sites concernés, avant la coupure de la mi-juillet. J’espère compléter ma rédaction dès que possible.


Fiche n°1 : François Hollande, après tout, n’est pas pire que Guy Mollet

- a) Présentation générale du problème

Le sujet de cette fiche m’est venu à la suite d’une discussion avec un ami sur le gouvernement actuel. Cet ami, qui a connu la guerre d’Algérie, me disait : « Hollande, après tout, ce n’est pas pire que Guy Mollet ». D’une certaine manière, c’est vrai. Les socialistes ont toujours été les socialistes. Léon Blum a refusé de soutenir la République espagnole, les députés socialistes ont voté les pleins pouvoirs à Pétain, Guy Mollet a donné à la guerre d’Algérie une impulsion nouvelle alors qu’il avait été élu pour faire la paix, Mitterrand s’est résolument engagé dans l’Union européenne et a fait voter Maastricht, et ainsi de suite.

Mais la situation générale actuelle est profondément différente de celle de la fin des années 1950. C’est cette différence qui, à mon avis, fait que Hollande est pire que Guy Mollet, contrairement à ce que disait mon ami. Or je crois que si on analyse bien cette différence, on est mieux à même, au plan de la lutte des idées, de corriger certaines incompréhensions populaires relativement aux socialistes.

Cette différence, c’est la mondialisation capitaliste. Elle s’est manifestée de manière simple à comprendre, au moins rétrospectivement. Guy Mollet a mené la guerre en Algérie mais en même temps les salariés, les ouvriers ont pu, alors qu’il était au gouvernement, satisfaire un certain nombre de revendications. D’où l’idée que, avec les socialistes, il faut s’attendre au pire mais que, si on lutte, on peut les contraindre à faire du social.

Ce que chacun peut observer, c’est que, avec Hollande, il n’est même plus possible de faire du social. Qu’est-ce qui bloque ? Que faut-il comprendre ? Dans quelle direction faut-il se battre ?

- b) Qu’y avait-il avant la mondialisation capitaliste ?

Je voudrais d’abord mettre en lumière le fait suivant. La mondialisation n’est pas la mondialisation capitaliste. La Chine, par exemple, est si grande que son économie est nécessairement mondialisée. Mais le fait qu’elle soit mondialisée, que la moindre de ses actions influence le monde entier, qu’elle soit tenue d’avoir des relations économiques avec les pays du monde entier, que ce soit pour acheter ou pour vendre, ne signifie pas qu’elle obéisse aux lois et aux contraintes de la mondialisation capitaliste. Qu’est-ce donc que la mondialisation capitaliste ?

Pour répondre à cette question de manière précise, je préfère effectuer un détour historique. Au cours des années 1970, le système capitaliste est entré en crise profonde, sur tous les plans de la politique, de la culture et de l’économie. Pour m’en tenir à l’économie, je dirai que l’on a pu observer partout la tendance à la baisse du taux général de profit, celui que l’on mesure à l’échelle de tout le pays. On sait que cette tendance est très critique pour le système capitaliste, surtout quand les agents qui le dirigent, les capitalistes, ne savent plus quoi faire pour l’arrêter.

Or c’est ce qui s’est produit. Pendant une dizaine d’années, ils ont « merdoyé » dans le marécage de solutions qui ne faisaient qu’aggraver POUR EUX AUSSI les dérèglements de la situation. Jusqu’au jour où, sous la conduite du gouvernement américain, ils ont pris le taureau par les cornes et se sont engagés dans la recherche et la mise en place d’un système régénéré, toujours capitaliste évidemment, mais néanmoins en partie renouvelé. Le renouvellement a consisté à faire porter sur les couches populaires TOUTES LES DIFFICULTÉS, tout le poids de la crise.

Pour comprendre ce nouveau système, je vais le comparer au précédent, celui qu’il a remplacé. A cette époque, le Parti communiste français prenait appui sur une théorie économique originale, selon laquelle, depuis la crise des années 1930, le système capitaliste avait profondément évolué par rapport à celui qu’avait théorisé Lénine. Certes, le concept de capitalisme monopoliste d’État figurait déjà dans les écrits de Lénine. Mais la théorie qu’élaborait alors la section économique du PCF et que les communistes reprenaient à leur compte, était différente sur quelques points essentiels. Cette théorisation me semble avoir été convenable. Elle a été quasiment oubliée car l’inculture théorique est devenue la règle. Mais elle a plutôt bien décrit la situation d’après la deuxième guerre mondiale.

En très gros, dans un contexte mondial marqué par : 1) l’affirmation de la puissance soviétique, 2) l’affirmation du rôle des classes ouvrières et paysannes partout en Europe pour lutter contre les nazis, 3) la défaite des impérialistes japonais et l’accession de la Chine à l’indépendance nationale, avec instauration du socialisme et du communisme, 4) l’éclatement progressif des empires coloniaux, 5) le besoin de reconstruire les économies dévastées pendant la guerre de 1939-1945, fut réalisée la mise en place, d’intensité et de profondeur variable selon les pays, d’un système socio-économique mondial où, dans chaque nation développée, une place effective était accordée au Travail relativement au Capital.

Le système a été conçu mondialement comme en témoignent les accords monétaires de l’époque (Bretton Woods). Une sorte de trame mondiale a été mise en place. Je ne développe pas. Mais sa réalisation concrète a été nationale et fonction des luttes de classes. C’est dans ce contexte aussi que l’État américain a remplacé l’État britannique comme État dominant au sein du système capitaliste mondial.

C’est ce système, mis en place après les années 1945 que, au plan national, les puissances capitalistes et les grandes firmes capitalistes ont, à la fin des années 1970, décidé de « faire sauter ». Il s’est agi de neutraliser et d’éliminer ce que, après la guerre et au plan national, le Travail avait pu conquérir comme droits et avantages.Même s’il y a eu d’autres aspects très importants, je ne les développe pas et me centre sur le travail. Car c’est ainsi que les capitalistes résolvent leur crise, sur le dos des travailleurs et au bénéfice des capitalistes.

Certes, les capitalistes n’ont pas, spontanément, la conscience innée et claire du mouvement des choses. Mais ils détiennent le pouvoir économique. Ils exercent le pouvoir politique, directement ou indirectement. Ils ont la richesse et la puissance. Ils vont dans les écoles de haut niveau. Ils ont la capacité d’accéder aux commandes de l’État et de disposer d’une vue générale beaucoup plus facilement que les prolétaires. Enfin, ils ont l’expérience de l’exploitation du travail. Ils savent ce que s’approprier du temps de travail veut dire.

- c) La mondialisation capitaliste

Elle est la conséquence de la situation que je viens d’évoquer. A l’époque, fin des années 1970-début des années 1980, on a parlé de « crise du capitalisme monopolistes d’État ». Ensuite, les concepts de CME et de crise du CME ont disparu dans les sables. Mais peu importe.

La mondialisation capitaliste est un mouvement, un processus. Je veux dire par là que ça ne s’est pas réalisé en un seul coup, que ce n’est pas fini, et que l’on peut distinguer des sous-périodes. Cela bouge et c’est contradictoire, comme aurait pu le chanter Claude François. Certains prétendent que la mondialisation a toujours existé, que le capitalisme est par essence, mondial. Moi, je veux bien. Mais à condition de voir les étapes et ce qui change de l’une à l’autre. Car si tout existe depuis le commencement des temps, pourquoi s’inquiéter et pourquoi réfléchir ?

Par conséquent, la mondialisation capitaliste d’aujourd’hui, qu’est-ce que c’est ? En résumé (on pourra se reporter à l’annexe 1 pour une analyse un peu plus détaillée), c’est un processus de libération du capital sous toutes ses formes par rapport aux contraintes sociales et territoriales qui lui étaient imposées dans le cadre du capitalisme monopoliste d’État.

Avec la mondialisation capitaliste, les capitalistes d’un territoire donné sont à peu près complètement libérés des contraintes qui existaient auparavant sur ce territoire relativement au capital et à l’exploitation capitaliste. En tant qu’entité économique, le territoire ne les intéresse plus vraiment. Leur territoire, désormais, c’est le monde entier, enfin, la partie du monde qui a de l’argent.

Puisque ce territoire ne les intéresse plus vraiment, ils sont prêts à prendre de l’argent versé par l’État de ce territoire mais ils ne voient pas de raisons de lui en verser en retour. Les dépenses publiques doivent être reportées sur les petits producteurs nationaux et sur les consommateurs. Pour illustrer mon propos, je dirai que, pour une grande firme mondiale contemporaine, ses laboratoires de recherche tendent à ne plus avoir de sous-bassement national. La stratégie de recherche de ces grandes firmes est une stratégie directement mondiale. Alors, pourquoi financer par des impôts la recherche dans le territoire français ?

La conséquence de ce processus est qu’il n’y a plus de politique économique nationale. Cela n’a plus de sens. L’État national s’est dépossédé de ses moyens d’action antérieurs. Il a été privatisé dans tous les sens du terme et mis au service très étroit du grand Capital en même temps que la production des grands groupes était dénationalisée. La production nationale devient un territoire de chasse des grands groupes (extérieurs), qui viennent faire librement leur marché sur le territoire national. En même temps, un nombre important de grands groupes (français) s’en va ailleurs.

- d) Retour à Hollande et conclusions

Dans ce nouveau, comment apprécier l’action gouvernementale ? C’est simple, rien n’est possible qui ne satisfasse les intérêts du grand Capital. Avec Guy Mollet, les travailleurs pouvaient gagner quelque chose de durable. Avec Hollande, ce qui est gagné d’un côté est un mistigri qu’il faudra caser ailleurs.

Quand Hollande promettait quelque chose pendant sa campagne, il mentait consciemment. Aujourd’hui, un système de rapports sociaux s’impose aux travailleurs, en France ou ailleurs. Ce sont les rapports sociaux de la mondialisation capitaliste. Cela il l’accepte et ne voit aucune raison de le changer. Les gesticulations de Montebourg sur la « démondialisation » ne mettent pas en cause le bloc nouvellement construit de la mondialisation capitaliste.

Les travailleurs produisent la richesse. Non seulement ils n’ont absolument aucune maîtrise sur elle. Mais le moindre morceau qu’ils ou elles en réclament est inévitablement excessif. Leur nation est devenue ouverte à tous les vents du capitalisme mondial. Il ne faut pas faire peur aux capitaux qui arrivent (car sinon ils ne vont pas venir) et il ne faut pas faire peur aux capitaux qui sont là (car ils risquent de partir).

Mon propos ne vise pas à conclure que la lutte des travailleurs est désormais inutile. Mais, si ce que je viens de dire est exact, il en résulte plusieurs conséquences que nous devrions aider les travailleurs de ce pays à comprendre pour agir en conséquence. J’en vois cinq.

1) Il n’est plus possible de croire que l’on peut faire du social dans le système actuel. Le social, ou la redistribution d’une partie des richesses, est une étape désormais dépassée dans cette société si rien ne change.

2) Les socialistes ne peuvent faire que du sociétal et ils ne peuvent promettre que du social car, comme ils disent, ce sont des partenaires loyaux du capitalisme. Mais en tant que partenaires loyaux du capitalisme financier mondialisé, toute promesse de leur part d’œuvrer pour du social est nécessairement une tromperie. Il faut en tirer les conséquences.

3) D’abord relativement à la droite et à l’opinion conservatrice. Cette fraction de l’opinion sera sollicitée pour soutenir les intérêts du grand capital mondialisé sous les prétextes les plus divers. Je crois que le cœur théorique de la lutte contre les conservateurs de ce pays doit être constitué par la lutte contre la mondialisation capitaliste, ses causes, ses conséquences. Je suis convaincu que notre argumentation peut contribuer, sur le fondement de la vérité et de la franche discussion, à faire réfléchir un certain nombre d’entre eux et, pourquoi pas, à les rallier à notre combat, si nous savons en définir les termes convenables. Le combat actuel n’est pas celui de l’anticapitalisme. C’est celui du socialisme. Or dans le socialisme, il y a, il y aura des capitalistes. Ils auront la possibilité de faire du profit et de déployer leur énergie conformément à leur compréhension du monde. Mais ils ne seront plus dominants. Ils ne feront plus la loi.

4) Ensuite, relativement à celles et ceux qui se nourrissent encore « des illusions socialistes ». Il doit être clair que le sociétal ne suffit absolument pas à régler les problèmes de cette société. Il doit être clair également que le social ne sera pas satisfait par la reconduite au pouvoir des « élites socialiste ». Celles-ci doivent être chassées du pouvoir, mais par d’autres moyens que l’abstention ou le Front national. Il doit être clair enfin, que le social ne sera satisfait que dans d’autres rapports sociaux de production, le socialisme. La juste appréciation de la mondialisation capitaliste est ce qui devrait nous conduire le plus directement à l’exigence du socialisme. Aujourd’hui, la bataille n’est plus seulement et de loin celle du social. Elle est simultanément celle de la souveraineté nationale et celle du socialisme.

5) Le combat contre la mondialisation capitaliste n’est pas un combat de type altermondialiste. La mondialiste capitaliste est un processus de destruction des nations. Lutter contre la mondialisation capitaliste supposer de rétablir la nation dans ses droits et simultanément de lutter pour le socialisme.

De la même manière, lutter contre la mondialisation capitaliste ne peut consister à opposer quelques digues à la fureur de ses flots. Comme Carthage autrefois, la mondialisation capitaliste doit être détruite. Le combat pour le socialisme doit être un combat national, évidemment situé dans les conditions mondiales du fonctionnement économique et politique de notre époque. Mais ce ne peut être un combat aboutissant à l’acceptation de ce que les classes dominantes ont réussi à imposer, sous le prétexte que « cela est ».

Au contraire, nous devons réaffirmer que la nation est la réalité sociologique, économique, politique et culturelle de notre temps. C’est une réalité, certes contradictoire, certes évolutive, mais adaptée au combat des classes populaires et dans laquelle les travailleurs de toutes sortes, scientifiques, administratifs, médicaux, de l’éducation, peuvent et doivent trouver leur place. Que les maîtres actuels de ce monde, les bourgeois du capital mondialisé, ricanent lorsque nous, communistes, leur parlons de nation et nous traitent de réactionnaires, est normal. Nous n’attendons rien d’autre de leur part. Nous savons ce qu’est la mondialisation capitaliste.

Pour lutter contre celle-ci, en fonction des possibilités politiques et des aptitudes économiques, le combat doit être national, socialiste et communiste. Aujourd’hui, à Gémenos, nous ne participons pas seulement aux assises du communisme. Nous participons en réalité aux assises du socialisme et du communisme pour contribuer à arrêter l’intolérable décadence de la France et la souffrance de son peuple.

Jean-Claude Delaunay


Annexe 1

Analyse de la mondialisation capitaliste

J’ai reporté à la fin de mon texte ces éléments d’analyse de la mondialisation capitaliste car ils alourdissent la fiche n°1. Les lira qui veut.

Voyons les acteurs du processus.

Ce sont, d’abord, les grandes entreprises, bancaires et industrielles, de taille mondiale, ce que les communistes, à la suite de Lénine, appellent les monopoles. Ce qui a changé à ce niveau est notamment la taille des monopoles. Le géant américain du commerce de détail, Wall Mart, salarie environ 1.300.000 salariés dans le monde. La concurrence entre ces titans du capitalisme en est évidemment modifiée par rapport à ce qu’elle était il y a un siècle. Pour participer à la concurrence mondiale, il faut se muscler en permanence, disent les managers. C’est un refrain connu des travailleurs. Il faut, disent ces managers, mener la guerre économique. Jusqu’au dernier de leurs salariés, cela va de soi.

Ce qui a également changé, dans chaque nation, est l’origine des grandes entreprises mondialisées. Elles viennent de plus en plus de l’extérieur. Il se produit un croisement plurinational intensif des capitaux. Enfin, parmi ces grandes entreprises mondialisées, on observe un nombre croissant d’investisseurs institutionnels, par exemple des « fonds de pension ». Les liens entre capital bancaire et industriel se complexifient.

Ce sont, ensuite, les États nationaux. Avec la mondialisation capitaliste, ces derniers n’ont pas disparu, loin de là. Ce sont les États qui, par exemple, ont mis en place l’infrastructure législative et administrative de la mondialisation capitaliste. Ils continuent de le faire. Ce sont eux qui mènent la bagarre contre les salariés en général pour réduire les prestations sociales et accroître d’autant la part du revenu national attribué aux capitalistes. Enfin, les États capitalistes deviennent des aménageurs systématiques de l’implantation, dans chaque nation, d’intérêts capitalistes étrangers (extérieurs ou externes, car quelle est l’exacte nationalité d’un groupe ?), tout comme ils organisent et soutiennent les capitaux qui veulent s’en aller ailleurs, les fermetures d’entreprises, « les dégraissages ».

Ce sont, enfin, les superstructures mondiales et la direction impérialiste, actuellement nord-américaine. Je reviendrai sur ce point.

La finalité du processus, ensuite.

Cette finalité est bien sûr, la rentabilité capitaliste, le profit maximum. Mais elle a un nom, celui de la liberté. Tel est le principe idéologique général du capitalisme, à savoir la liberté. Il s’agit en réalité et surtout de la liberté économique de chaque centre de décision, de chaque unité propriétaire d’une parcelle de pouvoir économique et donc de capital technique et financier. Comme chacun le sait, la liberté économique propre au capitalisme, c’est la liberté des plus gros, des plus forts, des plus puissants, des plus musclés, c’est la liberté d’exploiter le travail salarié.

Avec la mondialisation capitaliste, les capitalistes se sont sentis enfin libres ! Libres des pressions exercées sur eux par « les salauds de pauvres », libres de la pression fiscale étatique, libres de la législation nationale en matière écologique, libres du droit du travail !

Avec la mondialisation capitaliste, toutes les formes du Capital ont été libérées, qu’il s’agisse du capital-marchandise (réduction et suppression des droits de douane), du capital-argent (liberté complète de circulation des capitaux courts et longs), du capital productif (liberté complète de rachat d’entreprises en France par des capitalistes extérieurs et liberté d’exportation dans d’autres pays de capitaux nationaux). Le capital variable (son substrat, la force de travail) a été soumis à de nouvelles modalités de fonctionnement au premier rang desquelles la flexibilité et la précarité. Quant au capital public, il est lui aussi « libéré » grâce aux privatisations.

Pour organiser au mieux la liberté du Capital en général, les États capitalistes et les agents du système capitaliste ont considérablement développé le moyen d’information et le moyen de transport le plus adapté à cette liberté complète, à savoir les marchés financiers. Je ne développe pas ces points, l’important étant, à mon avis, de comprendre que LA FINANCE, comme on dit, est un élément dans un mécanisme plus global, celui de la mondialisation capitaliste.

En raison de cette extension qualitativement nouvelle, certains radicaux ont choisi de parler d’ultra-libéralisme pour décrire et critiquer le monde capitaliste contemporain. Oui, sans doute. Encore convient-il de ne pas oublier que cet ultralibéralisme est la forme actuelle de fonctionnement du capitalisme monopoliste financier mondialisé. Autant nommer les phénomènes plutôt que de faire des contorsions. La critique sociale des communistes ne devrait pas porter, selon moi et à titre principal, sur l’ultralibéralisme. Elle devrait porter d’abord et avant tout sur le capitalisme monopoliste financier mondialisé, dans sa phase actuelle.

Voyons maintenant quelques contradictions de la mondialisation capitaliste.

La mondialisation capitaliste a, si l’on peut dire, démarré sur les chapeaux de roues. En Grande Bretagne et aux États-Unis, par exemple, le mouvement syndical a été réduit momentanément au silence. Au cours des années 1980-1990 la concentration du capital ayant résulté de l’ouverture des frontières et de la déréglementation des opérations de toutes sortes a stimulé les taux de rentabilité. C’est dans cette ambiance euphorique que le socialisme de type soviétique a été mis à mort (fin des années 1980).

Cela dit, les contradictions propres au système capitaliste n’ont pas disparu. Elles ont eu pour effet l’accroissement de l’exploitation ouvrière. Tous les salariés ont eu tendance à être touchés. Je note cinq contradictions majeures propres à ce processus. Il y en a d’autres.

- a) La première contradiction vient de ce que, le Capital se « libérant » pour s’ébattre dans le champ mondial, les entreprises capitalistes se sont libérées des obligations sociales de l’État, de la politique économique et de ses contraintes fiscales. La notion de politique économique a disparu ou s’est évanouie, en même temps que l’importance de la nation s’estompait. La première contradiction est donc celle entre nation et monde, avec la polarisation suivante. Les catégories ouvrières ou étatiques sont plutôt liées au territoire national. Alors que les catégories capitalistes, surtout chez les plus gros, se déploient dans le monde. Pour elles, la demande mondiale a remplacé la demande nationale. La contradiction entre nation et monde capitaliste est la forme territoriale de la contradiction accrue avec la mondialisation capitaliste entre Capital et Travail. Comme les idées dominantes sont celles de la classe dominante, la mondialisation capitaliste est « bien » par principe, alors que l’attachement à la nation est considéré comme « rétrograde », stupide, réactionnaire.

- b) La deuxième contradiction est la suivante. Bazarder les nations, c’est une chose. Cela dit, au plan mondial, les entreprises capitalistes et par conséquent les économies du monde entier ne disposent plus des filets de sécurité que représentaient les États lorsque le capitalisme fonctionnait dans un cadre national. On observe une contradiction forte entre le périmètre mondialisé du fonctionnement du système capitaliste et sa stabilité.

La fragilité du système capitaliste dans son entier s’est accrue. Aujourd’hui, les dirigeants capitalistes parlent de moraliser « le système ». Je pense que c’est de la rhétorique, pour les raisons suivantes. 1) On ne peut pas d’un côté « libérer » le comportement des agents et prétendre simultanément le contrôler. 2) Il n’existe pas d’État ou de superstructure mondiale pour réaliser ce contrôle.

On observe une contradiction entre l’échelle, croissante, du business capitaliste et la stabilité, décroissante, de ce business. Car, à l’échelle mondiale, le business n’a plus de filets de sécurité. Les sociétés sont entrées dans un processus de régression, relativement au critère de la sécurité. Les idéologues de la bourgeoisie capitaliste mondialisée ne manquent jamais une occasion de vanter « la beauté du risque ». Bien sûr, le risque est « pour les autres ».

- c) La troisième contradiction est liée au rôle joué par les marchés financiers et à la relation qu’ils entretiennent avec les marchés réels et la force de travail.

Les marchés financiers sont indispensables au fonctionnement du capitalisme mondialisé. Or les marchés financiers ont eu d’une part, de nouvelles fonctions dans la gestion des affaires capitalistes. Mais d’autre part, ils ont accru la probabilité que le système entre en crise.

De nouvelles fonctions ? Certainement. Il n’existe pas de service mondial de planification et d’évaluation des rentabilités. Les marchés financiers ont donc pour fonction d’informer les capitalistes sur les taux de rentabilité ici et là. Ils ont ensuite pour fonction de centraliser mieux « l’épargne mondiale », c’est-à-dire toutes ces fractions de plus-value transformées en monnaie et disponibles ici et là. Cela dit, cette épargne mondiale doit être rémunérée. Ces marchés financiers ont « aidé » à la privatisation des secteurs publics, consécutive de la mondialisation capitaliste. Ils ont un peu aidé au financement des investissements des entreprises partant à la conquête de nouveaux marchés. Mais surtout, ils ont été la garantie de la mobilité généralisée du capital. Il existe environ 35 places financières dans le monde. Ces places financières permettent au capital de se déplacer partout, plus loin, plus vite, plus rapidement. Ce sont les instruments de la mobilité mondiale du capital.

Simultanément, les marchés financiers ont accru l’exploitation du travail et les risques du système.

D’abord, les marchés financiers ont été des facteurs de surexploitation du travail. En effet, après les années 1980, l’arrivée massive de l’épargne sur les marchés financiers (épargne devant être rémunérée) s’est ajoutée au capital ordinaire pour la quête du profit. Or cette arrivée massive ne s’est pas traduite par un nouveau partage au sein de la plus-value existante. Elle s’est traduite par l’exigence d’extraire une quantité plus grande de plus-value.

Ensuite, les marchés financiers sont devenus des lieux de rentabilité « en eux-mêmes ». Les risques du système ont alors été accrus de manière considérable car ces marchés ne se conduisent pas de la même façon que « les marchés réels ».

Au premier rang des risques du système figure la suraccumulation. Dans le langage des marxistes, la suraccumulation désigne une situation caractérisée par une double limite. La limite du marché : ce qui a été produit ne peut pas être vendu, la limite de l’exploitation directe, les capitalistes n’arrivent plus à extraire le travail en quantité suffisante. Au total, il y a trop de capital à la recherche du profit.

C’était déjà le cas auparavant. Mais avec la mondialisation capitaliste, ces phénomènes ont pris, grâce aux marchés financiers, une ampleur considérable. Une nouvelle catégorie de marchandises (nouvelle en tant que quantités car ces marchandises existaient quoique en petit nombre) est apparue, aujourd’hui de manière massive, démesurée, celle des marchandises financières.

A partir du moment où les marchés financiers sont les clés du fonctionnement mondial capitaliste, non régulé et non contrôlé, ils nourrissent des facteurs permanents et intensifiés de suraccumulation du capital.

Pour illustrer le propos, supposons que l’on observe la production de melons en France, charentais cela va de soi car ce sont les meilleurs. Pour produire des melons, il faut du travail, du capital, et beaucoup d’amour. Mais voilà qu’un inventeur génial invente une nouvelle catégorie de melons, le cyber-melon, ou « melon produit en ordinateur ». Les cyber-melons sont des melons produits par ordinateur et qui seront consommés dans un an, deux ans, vingt ans. En théorie, ils ont toujours un rapport avec le melon réel. En réalité, ce rapport devient de plus en plus ténu. Car produire des cyber-melons est relativement facile. Il suffit d’un double clic et on a 30 millions de tonnes supplémentaires de melons. Mais si ces 30 millions de melons seront produits dans 20 ou 30 ans, leur rapport avec « le melon réel » est faible.

A l’échelle mondiale, la spéculation risque de n’avoir aucune limite. Il est clair, également, que la production de cyber-melon n’a plus de lien avec un quelconque territoire. On peut produire des cyber-melons sur les pentes de l’Himalaya.

Cela dit, ce sont des marchandises. Ces trente millions supplémentaires de cyber-melons, qui viennent d’être produits en un seul double clic, sont des marchandises financières. Elles s’achètent et se vendent. Et il y a du profit derrière. Il y a donc des acheteurs et des vendeurs de cyber-melon. Comment ce marché peut-il fonctionner ? Des techniques appropriées d’achat/vente sont mises en place. Mais en plus, ce qui permet la poursuite de cette sarabande est le système bancaire. La création monétaire participe du financement de cette production fantastique. Le résultat de tout ce processus, via les marchés financiers alimentés en carburants monétaire par les banques, est une immense accumulation de marchandises fictives relativement aux possibilités réelles de production du profit et d’écoulement des melons. Cette immense accumulation tend donc à se transformer en surexploitation et en suraccumulation.

Je ne vais pas développer ce point davantage. Cependant on peut retenir que la mondialisation capitaliste accroît la contradiction, via les marchés financiers, entre la production réelle et « la production financière ». Cette dernière devient motrice de l’ensemble productif. Elle engendre de la fiction qui n’en demande pas moins du profit réel et donc de la production réelle.

- d) La quatrième contradiction est celle existant entre l’extension du périmètre mondial du capitalisme et la capacité de ce système à préserver la paix entre les États.

En effet, que s’est-il passé ? La mondialisation capitaliste n’a pas pu aboutir à la formation d’un État mondial. Les capitalistes ne l’ont même pas cherché. On le voit lorsque la crise éclate, gigantesque. Ils se réunissent ici ou là, en faisant semblant de se lamenter sur « l’immoralité des agents », sur le besoin de moraliser les comportements.

Il y aurait des brebis galeuses. Mort aux brebis galeuses, entend-on glapir dans ces réunions rocambolesques ! Il faut surveiller les brebis galeuses ! Tous les grands de ce monde se lamentent que n’existe pas un État ou une superstructure pour définir ces règles de morale et les appliquer. C’est tout simplement grotesque. Ils ne sont pas capables de s’entendre pour mettre en place une structure commune de contrôle de leurs propres agents. Ils sont là pour en défendre les intérêts et non pour les contrôler.

Cela dit, la société est comme la nature. Elle a horreur du vide. Il n’y a pas d’État mondial, mais il faut quand même quelques règles mondialement reconnues et suivies. Il faut au moins un gendarme mondial. C’est pourquoi la mondialisation capitaliste des années 1980 a été suivie par le renforcement du rôle mondial de l’État capitaliste le plus puissant, le capitalisme américain. A l’ombre de la faillite du socialisme de type soviétique, l’impérialisme américain est devenu la clé de voûte renforcée non seulement politique, mais économique et culturelle de la mondialisation capitaliste.

C’est au cours des années 1970 que se mettent en place les mécanismes économiques par l’intermédiaire desquels le dollar US devient véritablement une monnaie mondiale. Mais les mécanismes politiques vont de pair. Le traité de l’Otan ne devient pas caduc avec la fin de l’union soviétique. On peut être certain que l’impérialisme américain et ses acolytes de l’impérialisme chercheront à empêcher, par tous les moyens, toute atteinte portée à ce qu’ils considèrent comme « la liberté économique mondiale », ou encore « la concurrence libre et non faussée ». La quatrième contradiction que je note est donc celle existant entre, d’une part, les intérêts économiques et politiques directeurs de la mondialisation capitaliste, et d’autre part les États, les nations et les peuples qui voudraient s’en extraire ou qui ne joueraient pas le jeu. La mondialisation capitaliste n’est pas porteuse de paix. Elle est porteuse de guerre.

- e) La cinquième contradiction que je retiens est celle existant entre la mondialisation capitaliste et la force fragmentée et dispersée des capitaux issus des États européens. Avec la mondialisation capitaliste, les bourgeoisies capitalistes ont été confrontées à l’existence de grandes nations, celle des États-Unis au premier chef. Mais elles savent que, dans un avenir proche, elles devront au moins faire face à ces autres grandes nations que sont l’Inde et la Chine. A mon avis, la mondialisation capitaliste a donné une impulsion nouvelle, un contenu renouvelé, à la construction de l’Union européenne par rapport à ce que ce projet pouvait être après la deuxième guerre mondiale.

A mon avis, l’Union européenne et son pivot qui est la monnaie unique, l’euro avec une tendance à la surévaluation de cette monnaie, est à la conjonction de trois séries de sous-contradictions, si l’on peut dire.

a) La contradiction Capital/Travail, classique. Définir une monnaie unique avec des règles strictes de préservation de la valeur de cette monnaie, cela revient à imposer au Travail des règles et des contraintes fortes. L’euro ne doit pas être dévalué. Donc le travail ne doit pas obtenir plus de rémunération que cette contrainte ne le permet. Je pense, par exemple, que la fraction « française » de la bourgeoisie mondialisée a dû considérer que la monnaie unique était une bonne façon de contrôler les possibles excès revendicatifs de la main-d’œuvre française.

b) La contradiction entre fractions de la bourgeoisie mondialisée des différents pays européens eux-mêmes. Au sein de l’Union européenne, ces fractions se sont aménagées une place en fonction de leurs objectifs stratégiques, avec tout un ensemble de petits satellites autour (pays de l’Est, pays du Sud).

La fraction britannique, plutôt financière, agit pour que l’Europe demeure « un grand marché » morcelé. Son avenir est plus dans la finance que dans l’industrie et elle est accrochée aux États-Unis. Elle est le porte-avion européen des puissants capitaux américains.

La fraction allemande agit pour sa suprématie économique au sein de l’Europe. Sa classe ouvrière est soumise. La monnaie unique surévaluée est pour elle un moyen de réduire le prix relatif de ses importations sans nuire à ses exportations, eu égard aux produits qu’elle vend et au niveau élevé de productivité de son industrie.

La fraction française a bénéficié de la contrainte pesant sur les revendications de sa main-d’œuvre grâce à la monnaie unique. Mais elle a de la peine à suivre et sa main-d’œuvre manque de docilité.

c) La contradiction entre les différentes fractions de la bourgeoisie mondialisée européenne et la bourgeoisie mondialisée des États-Unis. Ce que l’on observe aujourd’hui est la domination à peu près complète de l’Union européenne par les États-Unis. La contradiction est donc très faible. Au plan économique, il n’existe pas encore de marché européen financier unifié qui permettrait de rivaliser avec les grandes places américaines. Quant au niveau élevé du taux de change de l’euro, il permet aux capitalistes d’Europe d’accéder à moindre coût à la technologie américaine. Pas besoin, d’avoir une recherche européenne. La mise en place d’un marché atlantique va dans le même sens.
Cela dit, les fractions de bourgeoisies mondialisées propres à ces deux zones doivent rechercher leur articulation et peuvent entrer en contradiction.

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