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Le voyage de Danielle et Marianne
Odessa : entre le burlesque et l’effroi
A Odessa, il va falloir changer les règles du jeu de notre reportage.
Comme nous l’a dit un de nos interlocuteurs : « Ce n’est pas le IIIe Reich, il y a beaucoup d’opérette, mais on peut perdre sa santé, son emploi, son appartement et se retrouver en prison ». Au moins pour un temps. Ce qui tempère, toujours selon lui, la férocité de la répression, est que : « premièrement ceux qui sont compétents en la matière, le SBU, sont si vénaux qu’ils agissent pour récolter des rançons. Il est possible de racheter leurs prisonniers, c’est même conçu pour ça. Nous organisons des collectes à cet effet. Quitte à les voir livrer leurs proies odéssites dans les échanges avec les prisonniers faits par la Résistance dans le Donbass. En ce moment, nous espérons deux militants qui doivent nous être remis à Kharkov. Deuxièmement, ceux qui le feraient par conviction, par amour de l’art fasciste, les militants de Pravy Sektor, sont encore maladroits et n’ont pas les compétences policières ». Mais avec le temps, tout ça peut encore se durcir et il faut prévoir dès aujourd’hui.
Il y a bien sûr des interactions entre Pravy Sektor et la police. Par exemple, quelqu’un est convoqué au SBU pour interrogatoire et là au bout de quelques heures, il est relâché faute de preuves, mais à la sortie il est entouré par un groupe d’individus, transporté dans un coin à l’écart, où il est vigoureusement tabassé à coup de battes et on le laisse là en sang à titre d’avertissement.
Le plus douloureux de la situation, toujours selon lui, est que sur les vidéos des événements du 2 mai, ils ont pu établir la liste de ceux qui ont tué, ils les ont donné à la police. Ces gens ont été immédiatement relâchés et ils les croisent dans les rues ; ils nous parlent d’un avocat, de gens qui ont pignon sur rue et ils nous le montrent sur une vidéo en train d’achever un blessé à terre.
Avec le 2 mai, l’incendie de la maison des syndicats, et cette ambiance oppressante, les foules qui défilaient tous les dimanches pour réclamer un référendum sur le fédéralisme et contre le maïdan se sont divisées en quatre parts, toujours selon notre interlocuteur :
1) Ceux qui se sont enfuis en Crimée ou en Russie pour sauver leur peau, ils étaient trop dans le viseur,
2) Ceux qui ont rejoint les insurgés du Donbass,
3) Ceux qui sont en prison,
4) Ceux qui se taisent.
Notre interlocuteur ajoutera, « il y a ceux qui résistent ici, mais de ceux là je ne dirai rien. Ce dimanche vous verrez une de leurs manifestations pour célébrer le souvenir de ce qui s’est passé à la maison des syndicats, il y a juste six mois. Mais ils risquent gros, il y a actuellement des purges dans toute l’administration, dans la presse, dans l’éducation nationale, je vous donnerai la photocopie d’un texte concernant les enseignants. Vous pourrez la publier et la traduire et vous mesurerez le courage de ceux qui s’affichent au grand jour ! ».
Voici pour vous expliquer pourquoi désormais notre reportage va changer de ton, nous masquerons les prénoms et les activités de nos interlocuteurs, nous ne dirons pas où nous les avons rencontrés, combien ils étaient et tenterons même d’effacer les caractéristiques qui les rendent reconnaissables. Ce sont des gens formidables et de surcroît en bons Odessites, ils conservent un humour ravageur.
Danielle et Marianne